La classe inversée, un dispositif hybride ?

Lors du premier confinement, la continuité pédagogique a mis un coup de projecteur sur cette modalité d'enseignement. Marcel Lebrun, docteur en sciences et professeur en technologies de l’éducation à l’université catholique de Louvain en Belgique, définit effectivement la classe inversée comme une forme d'enseignement hybride reposant sur une alternance de distance et de présence et une recombinaison des temps et lieux d’enseignement et des apprentissages.

Image en creative commons décrivant une mise en oeuvre de la classe inversée

Typologie des classes inversées

Sur son blog, il distingue trois niveaux de classes inversées ; les niveaux dépendent de la relation aux savoirs et du rôle de l'élève.

Dans un premier niveau, la partie transmissive de l’enseignement se fait à distance à l’aide des technologies notamment vidéo. L’apprentissage fondé sur les activités et les interactions se fait « en présence ». La prise de connaissance de la vidéo avant la classe doit rendre les activités en classe plus dynamiques et contextualisées. Cet agencement continue de ressembler au schème traditionnel : théorie, concepts et faits d’abord, exercices et applications ensuite. Il n’y a pas de réel bouleversement pédagogique. Ce premier niveau est nommé la classe translatée. On y retrouve le slogan très médiatique suivant :"les cours à la maison et les devoirs en classe".
Or, cette mise en œuvre est loin de recouvrir la diversité des pratiques et elle ne correspond ni à tous les niveaux d'enseignement ni à toutes les didactiques.

Dans les deux niveaux suivants, l’apprenant évolue d’un rôle d’acteur de ses apprentissages au rôle de concepteur de son parcours ; le travail à distance est enrichi ; une courte vidéo peut être visionnée, additionnée d’un travail de recherche d’informations ou d’une production multimédia sur le sujet. Au second niveau dit de classe inversée, on assiste à un changement de posture plus net, plus proche de l’action tutorale.  Au troisième niveau, Marcel Lebrun parle de classe renversée.

Au final, il convient de parler des classeS inverséeS.

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Schéma de Marcel Lebrund écrivant ces trois niveaux de classes inversées

 

 

 

 

 

 

Les avantages de cette stratégie dans le contexte de la continuité pédagogique

Dans le cadre de la continuité pédagogique, la stratégie des classes inversées a pu donner trois avantages aux enseignants qui l'avait adoptée :

     1. Une réflexion depuis longtemps engagée sur l'articulation entre le "hors classe" et le "en classe" dans leur ingénierie pédagogique, avec la prise en compte du concept de "charge cognitive".

La charge cognitive correspond à la quantité de ressources cognitives investies par un apprenant lors de la réalisation d'une tâche. Elle dépend de la complexité de la tâche (le nombre d'éléments à traiter et à mettre en relation), des ressources de l'individu (ses connaissances antérieures) et de la manière dont la tâche est présentée. Les tâches sont réparties selon la charge cognitive qu’elles représentent : les tâches ayant une charge cognitive faible sont placées à distance tandis que les tâches à forte charge cognitive sont prévues sur le temps de classe pour bénéficier de l'accompagnement de l’enseignant et de l’entraide entre pairs. Jonas Erin, Inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche, conseille de prendre en compte la charge cognitive des tâches de manière progressive du collège au lycée, pour construire une meilleure autonomie dans les apprentissages.

     2. Une acculturation ancienne aux usages pédagogiques du numérique pour médiatiser le savoir et certaines tâches (de modélisation, de testing...).

Les enseignants se sont formés à structurer des séquences d’enseignement médiatisées. Parmi ses objets de réflexion : le rôle et la place des vidéos. Cette réflexion ancienne portant sur leur conception et leurs intentions pédagogiques ont pu représenter un avantage dans le contexte de la continuité pédagogique.

     3. Une intégration pour certains praticiens d'une feuille de route ou d'un plan de travail permettant de rendre visible l'organisation du travail personnel de l'élève, hors classe et en classe.

Dans leur conception hybride, les classes inversées redonnent de la valeur à la présence : du côté de l'enseignant, la posture est modifiée pour être dans le “côte à côte” ; cette recherche de proximité temporelle et sociale fait partie de la modification de posture qu’induisent les classes inversées et peut être étendue à distance ; du côté de l'élève, les classes inversées sont une porte d’entrée vers les pédagogies actives et coopératives (entraide, tutorat, travail en groupe…).