Cet article amorce une réflexion sur l'utilisation du podcast en classe de langue.
Commençons par définir le terme de podcast. Il semble que ce terme ait été créé en 2004 par un journaliste de la BBC. Il aurait combiné les mots iPod (le fameux baladeur créé par une marque américaine très connue) et broadcast qui signifie diffuser des informations. Depuis, la technologie n’a cessé d’évoluer et l’arrivée sur le marché de baladeurs dernière génération, ainsi que l'utilisation des téléphones portables, a permis d’élargir le champ du podcast aux fichiers vidéo ou aux animations.
Les podcasts sont des fichiers accessibles à tout moment. On peut les recevoir via une application dédiée, les télécharger pour les écouter tout de suite ou plus tard, sur un baladeur, sur son ordinateur ou sur un téléphone. Le terme podcast est un terme générique pour désigner un ensemble d’objets technologiques : enregistrements audio, vidéos éducatives ou de divertissement, ou encore animations. Aujourd’hui, on retient surtout le podcast comme étant un fichier audio dont le contenu a été choisi par l’internaute selon ses goûts et qu’il / elle souhaite écouter en asynchrone. Dans le domaine de l’éducation, il y a plusieurs types de podcasts : ceux qui informent, ceux qui délivrent des feedbacks et des commentaires, ceux qui contiennent des consignes et ceux qui contiennent du matériel authentique (pour les langues, par exemple), (Peltier, 2016)
Le potentiel du podcast
Pour l’apprentissage en général et l’apprentissage des langues étrangères en particulier, la recherche est unanime : le potentiel est énorme. Selon Temperman et De Lièvre (2009), trois variables sont à considérer : les modalités d’accès à l’information, la structuration de l’information et les finalités d’usage du matériel. Le fait d’être abonné à un podcast permet d’éviter la recherche d’informations. Si un thème particulier intéresse un internaute, celui-ci peut s’abonner et recevoir à intervalles réguliers des contenus en relation avec ce thème sans avoir à retaper sa recherche. De plus, la possibilité de proposer des contenus sous des formes variées (audio, images, animations et vidéo) permet d’adapter ces contenus aux objectifs d’enseignement. Et enfin, le fait de pouvoir télécharger les podcasts (ou balados) sur un support mobile offre de multiples possibilités d’accès sans contraintes ni entraves (ce qui n’est pas toujours le cas dans des situations de classe, par exemple) et ceci que ce soit dans un usage autonome, ou intégré à une séquence pédagogique (Temperman, De Lièvre, 2009).
Depuis les années 2000, le monde de l’éducation ne s’est pas privé de faire usage du podcast à des fins éducatives et bon nombre d’universités, ayant conscience de l’impact de l’oral sur l’apprentissage, ont commencé à enregistrer les cours magistraux. Cela a servi à garder une trace des cours et des échanges pour la postérité mais cela a également été utile pour les étudiants absents ou à besoins particuliers (Peltier, 2016). Le podcast a également commencé à être utilisé pour organiser une classe inversée : ainsi, les étudiants pouvaient s’informer en amont et le cours était consacré aux travaux pratiques et au travail collaboratif.
Du côté des étudiants, il y avait trois raisons d’utiliser les podcasts : pour améliorer leur apprentissage, contrôler leur environnement d’apprentissage et rattraper un cours manqué (Peltier, 2016)
Les bénéfices du podcast
Les bénéfices sont de plusieurs ordres. D’abord, il y a un intérêt croissant pour ce mode d’apprentissage parce qu’il est perçu comme en rupture avec les supports ou méthodes d’apprentissage classiques, le cours magistral étant considéré comme trop centré sur le professeur. Il y a donc une dimension affective à prendre en compte, et cette dimension agit sur la motivation intrinsèque. Il semble également que la modalité auditive soit plus instinctive que la lecture, ce qui rend les podcasts plus attractifs et rend les étudiants plus réceptifs aux contenus proposés. De plus, le fait de varier les supports est toujours un avantage dans les apprentissages même si utiliser la technologie ne veut pas nécessairement dire que l’on enseigne mieux. Pour résumer, les podcasts apparaissent comme amusants —les apprenants se motivent pour des thèmes qui les intéressent— et valorisants, car ils améliorent la confiance en soi et le sentiment d’auto-efficacité ; les résultats sont concrets quand les apprenants enregistrent eux-mêmes leurs podcasts (s’entendre parler une langue étrangère est essentiel pour progresser).
Comment utiliser les podcasts en classe
Les étudiants ou élèves des établissements secondaires peuvent faire un usage autonome ou intégré des podcasts mais ils peuvent donc également en créer et les publier (Temperman, De Lièvre, 2009). Cela est en phase avec la pédagogie de projet et l’approche actionnelle, mais permet aussi de travailler les compétences numériques et collaboratives. Ainsi, les étudiants peuvent réorganiser l’information reçue en cours pour la mettre à disposition de leurs pairs ou la réutiliser dans un but de révision. Dans un webinaire intitulé ‘Les podcasts en classe de FLE’, l’Institut Français propose plusieurs objectifs pédagogiques rattachés aux podcasts, exprimés sous forme de verbes à la manière de la taxonomie de Bloom : comprendre, fabriquer, enquêter, observer, raconter et échanger, ce qui augure de pratiques possibles très variées. Dans ce même webinaire, des professeurs organisent annuellement un concours de podcasts documentaires intitulé ‘Une fois une voix’. Un sujet est proposé et le public (des adolescents) doit proposer un podcast. Ils ont à leur disposition un site de référence où des documents sont entreposés, ainsi que des ateliers en ligne pour les accompagner sur les aspects techniques avec possibilité de feedback tout au long de la création. Une autre professeure, en Turquie, a pris pour fil rouge de son enseignement annuel un projet radio avec des podcasts audio produits par les élèves, à distance (pendant le confinement), ce qui a permis de garder le contact et de maintenir les enseignements. Les objectifs et les critères d’évaluation ont inclus des compétences écrites et orales mais également techniques. En effet, le travail sur le podcast implique d’abord des recherches, une production écrite cohérente et riche, une mise en voix et des compétences techniques (savoir enregistrer et monter un fichier son grâce à Audacity, logiciel gratuit). La professeure fait remarquer que le podcast audio est un produit ‘vivant’ qu’il faut faire vivre, c’est pourquoi les compétences orales y sont particulièrement travaillées. On pourrait imaginer un tel projet sur un trimestre pour traiter plusieurs thèmes au programme avec des productions variées (diaporamas, audio, vidéo...).
Dans un article paru dans le Journal of Adolescent and Adult Literacy en 2010, Suzanne Smythe et Paul Neufeld racontent une expérience réalisée avec des primo-arrivants en CM2 et 6ème dans une école américaine. Les élèves étaient invités à écrire une histoire (souvent leur propre histoire), à la transformer en un livre illustré, à l’enregistrer et à la télécharger sur un serveur. Cette approche multimodale visait à travailler l’écriture et la lecture et se focalisait surtout sur les opportunités qu’offraient cette approche. Les auteurs soulignent que l’intérêt du podcast multimodal réside dans le fait qu’il permet d’exploiter l’intelligence collective et c’est ce qui permet d’apprendre mieux et plus.
Parmi les démarches pédagogiques possibles afin de travailler la compétence orale, Sancler (2012) propose de prévoir les podcasts plutôt pour des niveaux intermédiaires ou avancés, surtout pour les documents authentiques qui sont plus complexes. Elle fait également remarquer que faire écouter un podcast sans consigne est à éviter, les apprenants devant savoir ce qu’on attend d’eux. Elle propose enfin une phase de débriefing et une phase de transfert. Les apprenants peuvent enregistrer des jeux de rôles, des réflexions personnelles, des dictées, des exercices d’interaction orale, des descriptions d’image. Quant aux podcasts audio éducatifs, ils ne doivent pas dépasser 10 minutes, ou il faut soigneusement les segmenter.
Conclusion
A la lecture de la littérature, on voit bien que les podcasts sont un atout important pour l’entraînement aux compétences orales mais aussi écrites. Ils sont aussi un moyen pour les apprenants de mettre en avant leur créativité et leurs compétences techniques. Cela peut être pour l'enseignant une façon de différencier les apprentissages pour pratiquer une pédagogie actionnelle, bienveillante et inclusive. Le podcast doit être un moyen de soutenir des processus cognitifs différenciés (Peltier, 2016) c’est pourquoi on doit prendre en compte qu’ils ne sont pas neutres et c’est cela qu’il faudra exploiter. Il me semble néanmoins que la pertinence du podcast audio doit être pensée en amont de la séquence pédagogique et les contraintes techniques bien maîtrisées par les parties prenantes, surtout lorsqu'il s’agit de créer ses propres fichiers audio. Il faut également bien apprécier le niveau de difficulté et évaluer les apports cognitifs. Ceci peut paraître chronophage et peut être difficile à mettre en œuvre dans la classe (manque de matériel, de temps, de motivation) mais le jeu en vaut la chandelle !
Le rendez-vous de la recherche, par Brigitte Arnaud
Quelques sites où l'on peut trouver des podcasts audio en anglais de niveau intermédiaire et gratuits
(consultés en avril 2022)
http://learninginhand.com/podcasting/
https://learningenglish.voanews.com/
https://www.bbc.co.uk/learningenglish/english/features/6-minute-english
https://www.moma.org/audio/#mv
Références
[1] A. O’Brien et V. Hegelheimer, « Integrating CALL into the classroom: the role of podcasting in an ESL listening strategies course », ReCALL, vol. 19, no 2, p. 162‑180, mai 2007, doi: 10.1017/S0958344007000523.
[2] C. Peltier, « Usage des podcasts en milieu universitaire : une revue de la littérature », International Journal of Technologies in Higher Education, p. 20, 2016.
[3] J. V. Sancler, « Le podcast, un outil favorisant les compétences orales en FLE », p. 11, 2012.
[4] S. Smythe et P. Neufeld, « “Podcast Time”: Negotiating Digital Literacies and Communities of Learning in a Middle Years ELL Classroom », Journal of Adolescent & Adult Literacy, vol. 53, no 6, p. 488‑496, mars 2010, doi: 10.1598/JAAL.53.6.5.
[5] G. Temperman et B. De Lièvre, « Développement et usage intégré des podcasts pour l’apprentissage », Distances et savoirs, vol. 7, no 2, p. 179‑190, juin 2009, doi: 10.3166/ds.7.179-190.
[6] N. Tempelman-Kluit, « Multimedia Learning Theories and Online Instruction », CRL, vol. 67, no 4, p. 364‑369, juill. 2006, doi: 10.5860/crl.67.4.364.