GermanisTICEs#3 : Gedanken über das Vokabellernen: Effiziente Strategien mit Langzeiteffekt

Rendez-vous germanisTICEs: Stéphane RAYMOND, professeur d'allemand au collège Louis Pasteur (Graulhet / Tarn)  nous présente quelques réflexions sur l'apprentissage du vocabulaire et des stratégies efficaces avec un effet à long terme

Quiconque souhaite apprendre une langue étrangère sait qu’il s’engage dans un processus long et complexe. Les résultats ne peuvent venir immédiatement, car s’approprier un système linguistique passe par la découverte de structures, de constructions de phrases, de conjugaisons mais aussi l’acquisition d’un lexique de plus en plus riche et étendu.

Nous facilitons le travail de l’apprentissage du lexique à nous élèves si nous introduisons le nouveau lexique de manière structurée, groupée, en prenant appui sur le vocabulaire déjà connu et en le travaillant à l’oral et à l’écrit. Il reste néanmoins le défi de la mémorisation à long terme.

Comme l’a indiqué dès 1885 le célèbre physicien allemand Ebbinghaus dans son ouvrage de référence Über das Gedächtnis (De la mémoire), mémoriser est un processus qui demande du temps : lors du premier apprentissage d’un savoir, il explique qu’un apprenant n’a mémorisé, dans le meilleur des cas, qu’environ 50 % des connaissances quelques jours ou semaines après l’apprentissage (plus d'infos).

Si l’apprenant ne voit pas l’utilité ou la finalité de ce savoir, il l’oublie plus rapidement encore. Il est donc primordial de donner du sens aux apprentissages, en analysant avec les élèves ce que va permettre la maîtrise de tel ou tel contenu linguistique. C’est en ce sens que nous définissons aujourd’hui des tâches ancrées dans une communication authentique. Le nouveau vocabulaire répond ainsi à un besoin de l’élève pour effectuer une tâche complexe. La réussite de la tâche procure une satisfaction qui se transforme en motivation d’apprendre.

Un deuxième facteur essentiel pour la mémorisation du lexique est la répétition. Ebbinghaus l’avait pressenti et les travaux de recherche plus récents (p.ex. Grande, 2004 ; Zwitserlood und Bölte, 2014) l’ont confirmé :  seules la répétition et la réactivation des savoirs procurent leur disponibilité effective au niveau du cortex.

Il en résulte que nous devons concevoir, à destination de nos élèves, des tâches qui créent des opportunités pour répéter et réactiver du vocabulaire, afin qu’ils disposent avec le temps d’un réel Wortschatz, d’un trésor de vocabulaire qui correspond à la quantité de mots dont un individu dispose (dans sa langue maternelle ou dans une langue étrangère). Je me propose de vous présenter aujourd’hui certaines activités - numériques ou non - pour élargir son Wortschatz en langue cible.

 

De la nécessité d’introduire le vocabulaire de manière active

Certes, la manière la plus rapide d’introduire du vocabulaire est une liste avec deux colonnes, d’un côté les mots dans la langue de scolarisation et de l’autre ceux dans la langue cible. Les élèves sont alors invités à coller une feuille photocopiée dans leur cahier et à apprendre ce lexique à la maison. En cours, ils en ont à peine pris connaissance, en général pour effectuer une tâche de compréhension. Nous comprenons maintenant que cette pratique aide à accéder au sens d’un document, mais elle n’encourage pas l’acquisition d’un Wortschatz.

Introduire du nouveau vocabulaire demande un temps dédié spécifiquement à cet effet, par exemple sous forme d’un associogramme thématique qui permet de réactiver le vocabulaire connu et de l’élargir. Ce travail peut s’effectuer en groupe classe, mais aussi en travail de groupe par trois ou quatre élèves, avec une mise en commun en interaction. Ensuite, ce vocabulaire doit être trié et classé de manière structurée et structurante. Une phase d’observation sur la composition des mots, l’étymologie, etc. peut suivre. Après cette phase de découverte, les élèves doivent s’entrainer, appliquer et manipuler ce nouveau vocabulaire : le lire, l’écrire, le dire et l’écouter, le sentir. L’introduction du nouveau vocabulaire sollicite obligatoirement tous les sens. Cette phase peut être créative et ludique et elle donne lieu à une vérification et à une hiérarchisation entre les mots connus, faciles à retenir et plus difficiles à retenir. Le travail personnel peut être efficacement organisé en fonction du constat dressé individuellement. Le mot allemand Wortschatzarbeit désigne qu’il s’agit en effet d’un travail pédagogique et didactique à part entière. Une fois que l’élève a pris connaissance de manière active du nouveau vocabulaire, le travail de mémorisation peut commencer.

 

De la nécessité de proposer des supports variés engageants

La quantité d’informations mémorisées est proportionnelle au nombre de réapprentissages. Une fois le lexique introduit à partir de supports, jeux ou autres activités (Klassenspaziergang, Kugellager, Autogrammjagd, … > voir notre dernier article), il est nécessaire que les élèves disposent de temps pour le fixer. Afin de les y aider, il est possible de leur proposer des séries d’exercices ludiques dans lesquels ils vont pouvoir librement piocher pour s’entraîner. Voici, à titre d’exemples, quelques exercices réalisés à l’aide des applications learningapps et wordwall.

Exemple d’exercices sur le thème des matières scolaires réalisés avec LearningApps

 

Exemple d’exercices sur le thème des loisirs réalisés avec Wordwall

Aussi bien LearningApps que Wordwall permettent de multiplier assez rapidement le nombre de jeux lexicaux à proposer aux élèves, comme je l’explique dans le tutoriel ci-dessous pour le site Wordwall :

 

Le travail peut être donné à faire dans ou hors la classe. L’essentiel, c’est que les élèves fassent ponctuellement mais régulièrement l’effort de retravailler le lexique étudié. Le fait d’espacer les réapprentissages permet en effet une meilleure fixation des savoirs, car les les contenus finissent par s’ancrer durablement dans la mémoire des élèves.

Notons qu’il est possible de procéder par étapes et de différencier les niveaux d’exigence. Il suffit pour cela de déterminer des seuils d’apprentissage modulables en termes quantitatifs : Tel jour, un élève devra connaître 10 mots, puis un autre jour 20 mots, et ainsi de suite. A ce niveau, il est important de valoriser les réussites partielles : la distribution d’une fiche d’objectifs peut faciliter pour les élèves la prise de conscience de ce qu’ils sont capables de faire, de la même façon que le système des ceintures de compétences utilisé en primaire. L’enseignant organise au fil de la séquence des évaluations ponctuelles formatives – par exemple à l’aide d’un dictaphone - afin de mesurer dans quelle mesure les élèves atteignent les objectifs de séquence. Cette façon de faire facilite également la construction de grilles d’évaluation pour la réalisation de la tâche finale ainsi que la compréhension et l’appropriation de ces mêmes grilles par les élèves.

 

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Was ich mag -Grille d'évaluation

Télécharger la grille

 

De la nécessité de multiplier les temps de réactivation et de mémorisation

Comme nous l’avons précédemment souligné, la récurrence des entraînements favorise le travail de mémorisation. Lorsque l’enseignant souhaite réactiver le lexique avec ses élèves, il peut le faire à différents moments et de différentes façons.

Ce qui est décisif est une multitude de propositions, car nous savons que différents individus ont besoin de méthodes très divergentes pour bien apprendre le vocabulaire.

Et de manière générale : pour mémoriser, il faut que l’élève puisse raccrocher le nouveau vocabulaire à un savoir déjà acquis ! Il faut donc impérativement donner l’occasion à l’élève de créer des ponts. Ceci peut se faire de différentes manières. Voici quelques exemples.

 

1. En cours de séquence

Cela est par exemple possible sous forme de rituel en début de séance. Le module digiflashcards de la digitale, permet de construire des unités thématiques ou séquentielles sur lesquelles s’appuyer pour interroger les élèves à l’oral.

Exemple d’unité thématique avec les jours de la semaine (Niveau 6ème)

 

 Exemple d’unité séquentielle pour une séquence intitulée "Mein Programm für die Woche" (Niveau 6ème)

 

Notons que selon la quantité de lexique, il est tout à fait possible de fractionner l’apprentissage de ce dernier, en utilisant par exemple le site quizlet.com. Celui-ci présente l’avantage par rapport à l’outil digiflashcards de proposer la création de listes avec un module Apprendre qui interroge automatiquement les élèves sur le lexique encore en cours d’acquisition. Les listes peuvent être agrégées dans une présentation genially comme dans l’exemple ci-dessous :

 

Exemple de recueil lexical pour une séquence dédiée à la question de l’argent de poche et des petits jobs (Niveau 3ème)

 

Lorsque les élèves auront acquis une certaine autonomie, l’enseignant n’est pas obligé de demeurer le maître du jeu de cette phase ritualisée. Si les élèves disposent de tablettes ou de smartphones, rien n’empêche de leur confier cette tâche. Cela ne peut que les responsabiliser par rapport à l’acquisition de connaissances.

La mémorisation du lexique passant par sa mise en oreille, les supports digitaux sont également une aide précieuse si l’on souhaite par exemple proposer aux élèves un jeu de reconnaissance auditive : ils peuvent disposer de cartes bingo et utiliser ensuite pour jouer un système de tirage au sort en ligne. Le module tirage au sort image de la digitale peut être détourné à cet effet. Il suffit ensuite que les élèves puissent contrôler leurs réponses en cas de doute, soit à l’aide d’une fiche de correction, soit en ayant recours à un élève tiers jouant pour un tour le rôle d’arbitre.

Exemple de matériel à mettre en œuvre pour travailler sur le lexique des vêtements (Ressources téléchargeables)

 

2. Dans le cadre d’une nouvelle séquence

Il s’agit pour l’enseignant de s’inscrire dans une approche spiralaire. Après avoir abordé par exemple l’expression du goût associé aux matières scolaires, il est possible de retravailler ce lexique et de l’enrichir dans le cadre d’une séquence dédiée à la présentation de son école.

Reconnaître des mots est une réussite et ces moments de réussite libèrent des émotions positives qui, dans un deuxième pas, génèrent de la motivation et favorisent ainsi la fixation au niveau de la mémoire longue. Il est donc important d’associer les temps de répétition de vocabulaire à des sentiments pour encourager la mémorisation profonde.

Cette constellation est par exemple donnée, lorsque le vocabulaire est raccroché à des expériences vécues. Nous cherchons souvent à relier nos séquences à l’actualité du calendrier scolaire. Un exemple sont les séquences sur les métiers, thématique souvent traitée en classe de 3ème, autour de la période de stage en entreprise. Au début des séquences sur les métiers, des longues listes de vocabulaires peuvent être données. Demander aux élèves d’apprendre le vocabulaire de ces listes est fastidieux pour eux et l’effet est minimal, car le cerveau se protège à l’aide de la mémoire courte contre une surcharge sensorielle. La majeure partie des mots d’une telle liste sera donc effacée dans un laps de temps minimal. Quelle solution proposer ? Une possibilité est de laisser le choix à l’élève, afin qu’il apprenne les mots qui lui sont utiles et qui l’intéressent. Connaître les noms des métiers de ses proches, des parents de sa famille hôtesse en Allemagne, le nom du métier auquel il aspire lui-même, son correspondant, ses amis, peut être une source de motivation pour mémoriser des mots à long terme et de comprendre le fonctionnement de la langue apprise. L’élève se construit de cette façon un répertoire qui lui permet de communiquer sur le monde qui l’entoure et sur ses centres d’intérêt.

 

3. Ponctuellement

Sans que cela soit lié à une séquence particulière, l’enseignant a la possibilité d’interroger ponctuellement les élèves sur le lexique étudié lorsqu’une occasion opportune se présente, ou il peut, de façon plus formelle, programmer l’organisation régulière de challenges sous forme de jeux. Les idées pour ce faire sont nombreuses. Il peut s’appuyer sur des présentations genially pour organiser un Fliegenklatschenspiel selon la règle du « doigt posé, doigt collé ».

 

Exemple de support sur le thème des personnages de contes (Niveau 4ème)

 

Il est également possible d’organiser des jeux par groupes de deux ou trois élèves. Chaque groupe dispose de cartes thématiques à prévoir selon le lexique étudié par les élèves, puis ces derniers tirent au sort une carte et doivent, à tour de rôle, citer des mots se rapportant au lexique associé. Lorsqu’un élève ne trouve pas de nouveau mot, il est éliminé. Le vainqueur est celui qui parvient à retrouver le plus grand nombre de mots mémorisés.

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Cartes jeu

Exemples de cartes (à télécharger dans la présentation genially présentée plus haut)

 

Ce jeu peut être aisément adapté en changeant par exemple de catégorie lexicale à chaque tour : chaque élève doit alors citer un certain nombre de mots se rapportant à la catégorie tirée au sort. Une autre option est de de ne pas préciser le nombre de mots à trouver, l’élève remporte alors le nombre de points correspondant au nombre de mots trouvés et celui qui a remporté le plus de points peut être récompensé à l’aide de stickers, autocollants, goodies ADEAF / OFAJ …

Pour complexifier, il est aussi possible d’adapter le jeu du petit baccalauréat : Chaque élève dispose d’une feuille avec différentes catégories, les élèves se mettent d’accord sur une lettre et chacun doit, en temps limité, trouver pour chaque catégorie un mot commençant par la lettre choisie.

 

Si les occasions de faire répéter le lexique sont donc nombreuses, nous retiendrons en conclusion que l'apprentissage d'une langue étrangère et notamment l’acquisition du lexique, demande une approche stratégique et méthodique. La compréhension des mécanismes de la mémoire, comme l'a souligné Ebbinghaus, met en lumière l'importance de la répétition espacée pour une maîtrise durable du lexique et la diversité des supports et des activités, illustrée par les exemples présentés, constitue un ensemble de pistes permettant d’offrir aux élèves des opportunités multiples pour s'engager pleinement dans leur apprentissage linguistique. C’est finalement en combinant différentes approches que les enseignants pourront guider leurs élèves vers une acquisition plus efficace et plus gratifiante du lexique, nécessaire à la construction de leurs compétences linguistiques de compréhension et d’expression.

 

Stéphane Raymond

Relecture et corrections. Mme BERGMANN