GermanisTICES#1 - Unterrichtspraxis : Welche Möglichkeiten bieten digitale Medien, um das kollaborative Leseverstehen zu fördern ?

Rendez-vous germanisTICEs: Utiliser les médias numériques afin de favoriser la compréhension écrite collaborative, une expérimentation menée par Stéphane RAYMOND professeur d'allemand au collège Louis Pasteur (Graulhet / Tarn)

Pour entraîner les élèves à la compréhension de l’écrit, il n’est pas rare que l’enseignant mette à leur disposition un texte unique, le plus souvent tiré d’un manuel, sur lequel ils travaillent pour repérer un certain nombre d’informations. Sont alors abordées les différentes stratégies qu’il est possible de mettre en œuvre pour accéder au contenu explicite puis implicite du document étudié (repérage des mots clés, surlignage des mots récurrents, identification de champs lexicaux, association de termes pour tisser des réseaux de sens, utilisation de W-Fragen, …). Si l’enseignant différencie, il peut également, selon le profil des élèves, fournir des aides supplémentaires ou proposer un étayage destiné à guider - plus ou moins - le travail de chacun afin de permettre le décryptage par tous des informations principales et / ou secondaires du document. Si l’on s’accorde à penser que chaque apprenant est différent et doit développer ses propres stratégies de lecture, rien n’empêche cependant d’aborder l’activité de compréhension de l’écrit dans une approche coopérative, afin que les élèves puissent mutualiser leur travail, s’enrichir des pratiques des uns et des autres et progresser ensemble. C’est ce que j’ai voulu tester dans l’une de mes classes.

 

L'intelligence artificielle au service de l'enseignant

J’ai commencé par annoncer à mes 16 élèves de 3ème bilangue l’organisation d’un quiz collectif en compréhension de l’écrit : les élèves, réunis en équipes, allaient devoir travailler sur différents textes et formuler un certain nombre de questions à destination de leurs camarades, afin de tester le niveau de compréhension de ces derniers. L’adhésion des élèves a été immédiate, car si le travail de groupe ne va pas toujours de soi, les élèves acceptent volontiers de travailler ensemble lorsqu’un challenge leur est proposé.

Désireux de multiplier les supports de lecture, je me suis heurté à la difficulté de trouver suffisamment de matériel à proposer aux élèves. Plutôt que de passer des heures à compulser des manuels ou parcourir des sites web, j’ai entrepris de tester l’outil Chat GPT d’intelligence artificielle et fourni à l’interface le prompt suivant : « Propose-moi un texte en allemand de niveau A2 B1 dans lequel une jeune fille raconte au présent ce qu'elle fait pendant ses vacances d'été, l'endroit où elle va, avec qui elle part et avec quel moyen de transport et dans lequel elle précise ce qu'elle aime bien faire ainsi que ses préférences, le tout devant faire entre 120 et 150 mots ». J’ai renouvelé l’opération à trois reprises, modifiant ponctuellement certains paramètres (lieu de villégiature, personnes accompagnantes, exemples d’activités …) et obtenu au final quatre textes proposant différentes situations relatives à la thématique des vacances d’été et d’un niveau globalement homogène.

J’ai regretté qu’ils ne soient pas authentiques et manquent de contenu culturel mais m’en suis finalement contenté, puisque j’avais prévu de retravailler plus tard la compréhension de l’écrit à partir de documents ayant un fort ancrage culturel (voir fin de l’article). On retiendra donc que l’intelligence artificielle s’avère être un outil séduisant et susceptible de rendre service, mais qu’il convient de l’utiliser avec prudence et parcimonie, en étant conscient de ses limites. Rien ne saurait en effet remplacer le travail sur des documents authentiques marqués culturellement afin de conserver sa spécificité à l’enseignement de l’allemand.

 

Des outils numériques pour organiser le travail de groupe

Après avoir retouché et imprimé les textes, il m’a fallu créer les groupes. J’ai fait le choix de générer des groupes hétérogènes en utilisant le module « Groupes et équipes » du site wordwall.net. Ce dernier étant payant, rien n’empêche cependant d’utiliser d’autres interfaces gratuites pour obtenir le même résultat. A titre d’exemples, je citerai l’outil Groupes du site de la Digitale ou celui du site Classroomscreen (voir en pièce jointe le tutoriel de prise en main de ces outils). Pour qui souhaiterait homogénéiser les groupes, je signale qu’il est également possible d’utiliser le site KeamK : celui-ci permet en effet à l’enseignant d’effectuer des tirages au sort paramétrés à partir de listes d’élèves pour lesquelles il aura, au préalable, renseigné le sexe ou, sur une échelle de 1 à 5, le niveau de performance. L’enseignant a également la possibilité de déterminer de façon arbitraire la composition des groupes s’il souhaite, par exemple, proposer des documents plus ou moins complexes selon le niveau des élèves. On pourrait également envisager de partir d’un document existant et d’utiliser l’intelligence artificielle pour adapter son niveau de difficulté, … bref toutes les adaptations sont possibles.

A l’issue du tirage au sort, chaque élève s’est vu attribuer un texte sur lequel il a dans un premier temps travaillé seul. Il était en effet essentiel que chacun fournisse un effort personnel de lecture avant que ne soit envisagé sur le mode du think pair share une première mise en commun avec les élèves ayant travaillé sur le même document. Ceci a constitué la 2ème phase du travail : les élèves, réunis en groupe, ont dû échanger sur ce qu’ils avaient compris, partageant leurs certitudes, hésitations et hypothèses de lecture, de façon à co-construire, à partir des repérages individuels, une compréhension commune.

Lorsqu’on organise un travail de groupe, il faut être vigilant aux conditions de sa mise en place : préciser la langue de communication, formuler un objectif et des critères de réussite, proposer des aides si nécessaire, ... C’est ce que j’ai fait en indiquant aux élèves qu’ils avaient la possibilité, pour cette 2ème phase, d’échanger en français pourvu qu’ils remplissent l’objectif fixé pour l’activité : trouver un consensus au sein du groupe et rédiger au moins huit questions sur le contenu du document. Ces-dernières permettraient de tester, lors de la séance à venir, le reste de la classe sur la compréhension du document abordé. Les groupes étant de niveau inégal, j’avais prévu que les élèves puissent, en cas de difficultés, s’aider de dictionnaires papiers ou versions en ligne (Leo, Pons, …). Ils disposaient donc du matériel adéquat pour ce faire.

Au terme de la séance, les élèves m’ont remis leurs questionnaires, à partir desquels j’ai pu préparer à l’aide de l’application jeopardylabs le quiz devant servir de support pour le challenge annoncé.

 

Découvrir et prendre en main l'outil Jeopardylabs

Les élèves ont ensuite eu pour tâche de lire hors la classe les 3 autres documents. Lors de la séance suivante, le quiz a eu lieu. Les élèves ont reconstitué les groupes de travail de la fois précédente. Tour à tour, ils ont choisi des questions de compréhension. Lorsqu’ils répondaient correctement aux questions posées, le groupe s’est vu attribué le nombre de points correspondant à la question choisie. Si la réponse apportée était incomplète, le groupe ne remportait qu’une partie des points.

L'interface de jeu

Les autres équipes ne restaient pas inactives, puisqu’elles avaient la possibilité - en cas d’échec de l’équipe interrogée - de signaler leur désir de répondre et pouvaient donc gagner les points associés à la question posée.

Globalement, l’activité a finalement bien fonctionné, car nous avons pu étudier plus de documents que de coutume. De plus, j’ai noté de la part des élèves un engagement important et une réelle volonté de retrouver dans les textes, les réponses aux questions posées. Désireux cependant d’avoir leur ressenti quant à la démarche mise en place, je leur ai distribué un questionnaire d’évaluation.

 

Le retour des élèves

A la question de savoir s’ils avaient apprécié l’activité, tous les élèves ont répondu par l’affirmative, soulignant qu’il s’agissait là d’un travail « agréable, plaisant, sympa, amusant … », notamment de par sa dimension ludique.

A la question de savoir comment s’était passé le travail de groupe, les résultats ont également été très positifs.

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Bilan travail de groupe allemand CE1

Une majorité a eu le sentiment de s’être impliqué dans le travail et d’avoir pu apporter sa pierre à l’édifice (« J’ai proposé des idées », « Toutes les idées ont été écoutées, même si certaines n’étaient pas très logiques », « J’ai un peu participé et je pense quand même que j’ai aidé », « J’ai le sentiment d’avoir été active (même très active !) », …). La valeur du travail commun a été soulignée (« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin »). Pour autant, trois élèves ont émis un avis critique à leur propre égard (« Je n’ai pas assez travaillé »). Il s’agissait d’élèves rencontrant de grosses difficultés et qui ont finalement eu du mal à trouver leur place dans le travail de groupe. Et il conviendra de creuser, ensemble avec eux, les opportunités qui leur permettraient de fournir progressivement davantage de contributions au travail entre pairs.

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Bilan travail de groupe allemand CE2

Interrogés sur les avantages et inconvénients de cette approche, les élèves ont noté plusieurs points positifs, concernant aussi bien le travail de lecture que le jeu lui-même, notamment le fait qu’une ambiance conviviale avait régné en classe (« Ça amène la bonne humeur dans la journée », « Beaucoup de rires ») mais aussi et surtout que cela avait facilité le travail (« C’est plus simple que seul », « Cool de pouvoir parler et s’entraider », « On peut partager son avis et sa compréhension et réfléchir à plusieurs », « On est plusieurs à réfléchir et à répondre », « On avance mieux ensemble »).

A la question de savoir s’ils avaient découvert de nouvelles stratégies de lecture, les avis ont été moins tranchés. Le fait d’échanger entre pairs a facilité la compréhension des documents, notamment pour les élèves les plus en difficulté (« Je pense que ça m’a aidé. Etant donné qu’on comprend chacun quelque chose, ça permet d’expliquer ce que chacun comprend »). Notons que la tâche demandée (lire les textes) a généralement été réalisée avec succès. Néanmoins, les retours des élèves plus performants témoignent parfois d’une frustration (« Ce qui a été dit en groupe, je le savais déjà personnellement », « Je suis toujours trop fort pour les autres »). Leurs témoignages portent avant tout sur le rapport aux autres. Les camarades peuvent alors être considérés comme un frein. Une réponse mérite tout particulièrement notre attention : « Mon groupe n’avait presque pas compris les textes donc je leur ai expliqué ». Ici, nous avons un indice pour une vraie dynamique sociale qui s’est installée au sein du groupe. Cette réponse ne confirme pas seulement le constat cf supra : « C’est plus simple que seul ». Ce témoignage montre que cet élève dispose bien de stratégies de compréhension, puisqu’il a expliqué le contenu du texte à ses camarades. Nous avons ici une piste pour aller plus loin. Qu’est-ce que cet élève a expliqué à ces camarades, qu’est-ce qu’ils en ont retenu - les simples information ou la façon d’appréhender le sens d’un texte ?

Nous pouvons donc constater qu’un bon nombre élèves disposent bien de stratégies de compréhension pour accéder au sens d’un texte, mais pour la plupart, ils n’arrivent pas encore à les formuler clairement et à les partager. Sans cette prise de conscience, ils ne peuvent pas impulser une réelle dynamique dans le groupe hétérogène et apporter plus que des simples informations à leurs camarades. Ce qui génère l’impression de perdre son temps. En revanche, une fois qu’ils seront en mesure d’expliquer à leurs camarades comment trouver les informations, tous seront actifs et impliqués dans le travail du groupe. Un temps d’échange sur les stratégies appliquées pour accéder au sens des textes, pourrait avoir lieu en classe à posteriori. Mon hypothèse est que ces échanges permettront que chaque élève développe des stratégies de compréhension, à son rythme.

Nous constatons pour atant aussi les habituelles problématiques du travail en groupe. Les élèves ont constaté et exprimé un déséquilibre concernant l’implication individuelle au sein de certains groupes (« Parfois on est que deux à réfléchir et les autres attendent que ça se passe », « Si on est la seule personne dans son groupe à travailler, le travail devient tout de suite énervant mais avec mon groupe c’était bien », « Certaines équipes étaient déséquilibrées », « Le problème c’est les gens qui ne font rien »).  Dans le cadre du quiz, il était intéressant de composer des groupes hétérogènes, afin d’équilibrer les chances de gagner. De manière plus générale, nous constatons néanmoins que pour combattre certains automatismes dans le cadre du travail en groupe, il est important de varier les compositions des groupes, en fonction des objectifs, mais aussi en fonction des goûts des élèves, des spécificités des tâches ou des besoins.

Dans une situation de cours sans quiz, on pourrait envisager d’autres formes d’entraînement à la compréhension de l’écrit. A titre d’exemple, j’ai constitué, lors du 2ème entraînement à la compréhension de l’écrit, des groupes de niveau homogène et leur ai attribué des textes calibrés selon différents niveaux (A2 / B1 CECRL) pour qu'ils travaillent selon la méthode de la galerie d'exposition.

 

Les élèves ont étudié différentes destinations touristiques (le Königssee, Rügen, la région du Harz et la forêt noire), d’abord individuellement puis en groupe, de façon à produire des panneaux de synthèse qui leur ont servi de support pour une retransmission orale en langue cible des informations découvertes (méthode de la galerie d’exposition). Un quiz donné à faire en devoirs leur a ensuite permis de vérifier si leur prise de notes, réalisée au cours des différentes prises de parole, était suffisamment exhaustive.

 

Le quiz d'auto-évaluation

On pourrait également envisager de faire travailler les élèves sur un même document dont on aurait produit différentes versions calibrées selon les niveaux du CECRL. Plusieurs outils permettent d’obtenir ce résultat (Deepl, open.ai, …). A chaque enseignant de voir comment il souhaite travailler.

Un autre point d’amélioration concerne le sentiment d’injustice exprimé par certains élèves, déclarés perdants alors qu’ils avaient fourni un effort plus important que les autres (« J’ai bien aimé de travailler en groupe mais je trouve ça injuste qu’on soit les derniers. On a fait beaucoup plus de questions que les autres. Je suis déçue du jeu mais le travail en groupe c’était top »). Il convient donc, pour le type de jeu mis en place, d’expliquer clairement aux élèves les différents degrés de complexité des questions et le score à emporter. Il faut qu’ils sachent que ce qui compte n’est pas seulement le nombre de questions auxquelles ils répondent, mais aussi leur complexité. Le groupe est ainsi contraint à mettre une véritable stratégie en place (qui répond à quel type de question, afin que le groupe augmente ses chances de gagner ?). Cela peut avoir un effet positif sur la coopération au sein du groupe, aussi lors d’un prochain défi. Une autre astuce peut-être : utiliser l’outil digibuzzer - auquel j’avais eu recours lors d’une activité précédente - afin d’éviter certains phénomènes de triche et mieux réguler l’attribution des points. On peut aussi équiper sa classe de buzzers manuels. C’est ce que j’ai fait à l’issue de cette expérimentation.

 

Au final

Ce fut une belle expérience, riche d’enseignements. L’objectif premier qui était de pouvoir exposer les élèves, grâce à l’intelligence artificielle, à davantage de documents et de favoriser une dynamique de groupes a pu être atteint. Nous constatons en même temps que l’intelligence artificielle augmente nos possibilités de proposer des cours attrayants et interactifs à nos élèves. Néanmoins, elle ne remplace pas l’explicitation des activités et des stratégies que le professeur souhaite mettre en place. Ainsi, il resterait à présent à trouver le moyen de permettre aux élèves d’échanger réellement sur leurs stratégies personnelles de lecture, afin de leur ouvrir le champ des possibles et d’optimiser encore la coopération entre élèves. Comment provoquez-vous, chez vos élèves, une prise de conscience concernant les stratégies de compréhension ? Partagez ci-dessous vos astuces !

 

 

Liens et ressources

 

- Outil d’IA chat GPT : https://openai.com/

- Outils de génération de groupes :

- Outil de génération de plateau de jeu jeopardy : https://jeopardylabs.com/

- Outil de buzzer : https://digibuzzer.app/

- Des buzzers manuels :  https://vu.fr/dDnp

- Exemples de textes produits par chat GPT : sans ancrage culturel / avec ancrage culturel

- Documents authentiques avec ancrage culturel

- Tutoriel de prise en main des générateurs de groupe

Stéphane RAYMOND

Relecture et corrections: Mme BERGMANN