Travailler le raisonnement grammatical avec Elaastic : l'exemple de la ponctuation, le cas de la virgule

Co-autrices : 

Christelle HEURLIER, professeure de Lettres-Histoire au Lycée Raymond Naves à Toulouse et formatrice en Lettres

Aurélie LARRIEU, professeure de Lettres-Histoire au lycée Jean Baylet à Valence d’Agen et formatrice en Lettres

Sophie NERMON, professeure de Lettres-Histoire au Lycée des métiers d'art, du bois et de l'ameublement à Revel et formatrice en Lettres

1. Choix d’une notion et contexte d’expérimentation

Trois enseignantes ont fait le choix de travailler la ponctuation constatant la difficulté des élèves à ponctuer leurs propres textes. De fait, les élèves considèrent que la virgule « ça sert à respirer, à marquer une pause ». Aussi le choix a été fait d’aborder la question de la virgule, de son rôle syntaxique ainsi que ses règles d’usage. On peut souligner que ce travail sur la virgule engage aussi un travail sur les groupes syntaxiques dans la phrase, groupes essentiels, non essentiels, questionne les incises ; autant d’entrées qui peuvent compromettre la compréhension des élèves en lecture lorsqu’ils sont face à des phrases longues ou complexes. Pour mener ce travail, les enseignantes se sont référées à l’ouvrage de Suzanne G. Chartrand, Mieux enseigner la Grammaire (2016). Elles ont ainsi questionné la progression à construire pour aborder cette notion, les mises en œuvre envisageables pour engager les élèves dans le raisonnement grammatical, la formulation de consignes appropriées à la plateforme utilisée permettant les démarches didactiques souhaitées. En cours d’usage, d’autres problématiques ont pu venir s’ajouter comme la question du temps à disposition pour ce travail en classe, ou celle de l’appropriation de l’outil numérique.

Quatre classes de lycée professionnel ont été engagées dans ce travail : deux classes de 3 prépa-métiers, une classe de CAP et une classe de 1ère Bac Professionnel.

2. Discussion sur l’expérimentation 

Des usages variés : diagnostiquer, former, remédier

La classe de 1ère bac professionnel a débuté par une phase sur un autre outil numérique « kahoot ». Si on a constaté des réponses correctes, l’outil ne mettant pas l’élève dans la posture de rendre compte de son raisonnement, il a été un frein au diagnostic de l’enseignant. Aussi la classe de 1ère Bac Professionnel a appréhendé l’outil Elaastic lors d’une nouvelle phase de diagnostic sur la notion étudiée. Le corpus grammatical proposé se composait de la même phrase avec un placement de la virgule différent. Les élèves devaient répondre à une question qui les engageait à la compréhension des différentes phrases. Cette compréhension supposait de se référer à la place de la virgule dans la phrase. La stratégie choisie s’appuyait sur une pratique courante chez les élèves, le recours au sens dans l’analyse grammaticale, et questionnait rapidement la fonction syntaxique de la virgule et soulignait son importance. Elle permettait aussi d’accéder au raisonnement des élèves, à leur capacité à le mettre en forme de manière étayée puisque tout l’enjeu de cet outil est de faire le choix d’une réponse, de la justifier et de se confronter aux réponses formulées par ses pairs. Dans notre situation, ces justifications prennent la forme d’un raisonnement grammatical. L’outil est tout autant précieux dans la formation au raisonnement que dans la possibilité pour l’enseignant d’obtenir un diagnostic fin des besoins des élèves lui permettant de programmer ses enseignements.

Pour former à cette notion, les élèves de 3 prépa-métiers et CAP notamment, ont soit reconstruit à partir de leurs observations et discussions des tableaux de relecture sur le modèle de ceux de S. G. Chartrand (chap 11, 2016), permettant de justifier la place de la virgule, soit ils se sont appropriés les explications mentionnées sur ces tableaux en phase d’observation directement sur la plateforme. 

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Ce temps d’observation a permis d’assoir les éléments dont les élèves ont eu besoin pour construire et formuler leur raisonnement grammatical.

Dans une autre situation, avec des 1ère bac pro, l’enseignante a remobilisé ses élèves sur le travail de cette notion (la virgule) en construisant une approche progressive liant nature puis fonction des groupes syntaxiques. Lors de la séance portant sur un corpus issu du Horla de Guy de Maupassant, les 5 questions se sont enchaînées en phase 1, à savoir faire le choix de la réponse jugée juste et formuler son raisonnement. Les questions invitaient à identifier la nature puis la fonction des groupes syntaxiques. C’est donc progressivement que les élèves abordaient la notion de groupes syntaxique en corrélation avec le rôle syntaxique de la virgule. On observe d’ailleurs une progression de réponse en réponse.

Avec une classe de 3 prépa-métiers, l’outil Elaastic a été utilisé en phase de remédiation suite à un DNB blanc. En effet, afin de consolider la correction des questions de grammaire, l'enseignante a proposé aux élèves de revenir sur une des notions du DNB afin d’en approfondir le raisonnement. Il s’agit d’une réflexion sur le complément circonstanciel : beaucoup d’élèves s’étaient limités à repérer l’incise et à relever que le complément était supprimable.

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Lors des exercices avec l’outil Elaastic, on constate que les élèves améliorent leur réponse à l’issue de la négociation avec les pairs.

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A l’issue de cette session, qui reprenait en partie des phrases exemples construites en classe avec des élèves, la discussion a été plus étoffée. Si 3 élèves demeurent en grande fragilité, on peut l’expliquer au regard de situations de décrochage scolaire, de grandes difficultés de compréhension de textes écrits et en rapide surcharge cognitive.

L’engagement des élèves dans le raisonnement grammatical : levier et frein du numérique, des adaptations envisageables

La séance de diagnostic avec les 1ère Bac pro a permis d’observer leur volonté d’argumenter, de bien faire. Aussi, sollicitent-ils beaucoup l’enseignant témoignant ainsi de leur implication mais aussi de fragilités en grammaire. Si leurs réponses ne sont pas toutes fondées sur un raisonnement grammaticalement juste, elles peuvent montrer une volonté d’être rigoureux dans la construction comme en témoigne l’image qui suit.

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La compétence « rendre compte de son raisonnement à l’écrit » est complexe pour les élèves, l’outil permet de la travailler et on peut supposer qu’ainsi ils développent leurs capacités argumentatives et qu’ils pourront la transférer dans d’autres situations notamment dans des écrits plus longs. En tous les cas, c’est un enjeu du travail engagé.

Travailler avec un outil numérique impose quelques points de vigilance. Avec la classe de 1ère bac pro, lors de l’activité consacrée au corpus grammatical sur le Horla la séance d’une heure n’a pas permis d’engager l’étape 2 pour chaque question et donc de confronter les élèves à d’autres réponses que les leurs afin d’étayer leur propre raisonnement. Aussi, bien que le questionnaire dans sa construction permettait une progressivité dans l’appréhension des notions, il nous est apparu que la progression des élèves aurait été meilleure, ou du moins que les élèves les plus fragiles auraient pu s’aguerrir plus facilement, si à la fin de chaque question, ils avaient eu à réaliser l’étape 2. Un des points de vigilance à avoir est celui de l’articulation entre les phases 1 et 2 afin d’amener les élèves à un retour réflexif sur leur propre raisonnement grammatical.

En 3 prépa-métiers, la prise en main de l’outil a été un peu laborieuse du fait de la nature du public en rupture numérique, qui ne maîtrise pas bien l’outil poste informatique de bureau, et est plus familier des téléphones et tablettes. Cependant, l’horaire alloué en 3 prépa-métiers a permis de pratiquer l’utilisation d’Elaastic de manière régulière, à raison de sept séances allant de novembre à fin janvier (entrecoupé d’une période de stage et de vacances). Dès la deuxième séance, les élèves étaient déjà plus habiles. C’est à la troisième séance que l’outil n’a plus constitué une surcharge cognitive et a permis des bénéfices dans les apprentissages et en particulier le développement des capacités d’argumentation relatives au raisonnement linguistique.

Un temps d’adaptation à la plateforme est nécessaire. Les repérages dans l’interface sont parfois difficiles pour les élèves qui sont confrontés à des fragilités dans les compétences de lecture. Ils veulent répondre vite sur un modèle quiz ou Kahoot sans justification. Or, cet usage de l’outil ne répond plus à notre problématique et à l’entrée dans une démarche réflexive.

D’autre part la question du rythme dans l’enchainement des questions se posent pour maintenir l’engagement de tous. En effet, le temps d’attente, entre les différentes phases, peut être compliqué pour nos élèves et entraîner de la dispersion. Néanmoins, des solutions sont possibles puisque l’outil Elaastic permet aussi de s’adapter au rythme des élèves et donc d’avoir une approche différenciée. En effet, une fois que l’élève s’est approprié l’outil, se sent plus assuré de ses connaissances son rythme de travail progresse. Mais cette progression est hétérogène dans la classe. Comme le souligne une enseignante, la gestion de l’attente est difficile avec les élèves et peut entrainer une démobilisation. Il est donc possible d’ouvrir plusieurs questions pour les plus avancés. Avec la classe de 3 prépa-métiers, par exemple, à partir de la troisième séance, la professeure a choisi d’ouvrir plusieurs questions à la fois afin que les élèves qui avançaient plus vite ne soient pas désœuvrés. Cette pratique a toutefois dû être ajustée avec précaution ; le travers possible était, pour deux élèves, de vouloir réaliser l’exercice trop rapidement, sans aller jusqu'au bout du raisonnement. Aussi se questionner sur le rythme à donner au lancement des questions ou sur des documents d’appui pour engager plus solidement dans le raisonnement ou l’évaluation des réponses des camarades est à penser.

Certains de nos élèves ont été dans l’évitement de la phase de justification. La formulation d’un raisonnement grammatical est pour le profil de nos élèves de lycée professionnel, une réelle barrière. Dans les premiers temps, l’évaluation des pairs est difficile à mettre en place car la pertinence des réponses est mise à mal par une syntaxe et une orthographe non acquises. A partir de ce constat, le choix a été de donner un support afin de les aider à la justification. Les élèves se sont appuyés sur un tableau construit en classe et inspiré de la grille de consignation des erreurs de ponctuation de Suzanne. G. Chartrand (chap 11, 2016). Ce support a été un levier intéressant permettant d’entrer vraiment dans une démarche réflexive, avec un meilleur engagement dans l’activité et une meilleure attention de la part des élèves et une confiance grandissante. L’outil proposé par S. G. Chartrand a aussi été intégré dans un questionnaire proposé en classe de 3 prépa-métiers sur la plateforme Elaastic.

Au final, pour les 3 prépa-métiers et les CAP 1ère année, nous notons un engagement positif dans l’activité et une confiance qui se renforce lorsque l’outil est maîtrisé. L’adoption d’une démarche réflexive sur la langue s’est mise en place. Ils gagnent en confiance au fur et à mesure de la maîtrise de l’outil et nous observons une amélioration de la compréhension de l’importance de la virgule pour le sens. 

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La question du temps peut aussi se poser avec acuité selon les rythmes d’une année scolaire. Ce fut le cas pour la classe de 1ère Bac professionnel qui a poursuivi son travail sur la virgule après une période de stage, et suite à d’autres projets pédagogiques engagés. Aussi le temps se réduisait et les enjeux se multipliaient : réengager les élèves dans le recours à la plateforme, revoir la notion, stabiliser les connaissances et engager la lecture d’une œuvre intégrale. Par conséquent, le choix a été fait de construire le corpus grammatical à partir de l’œuvre intégrale : le Horla de Guy de Maupassant afin d’étudier la notion en contexte.

Développer les capacités linguistiques et répondre à des besoins en compréhension et en expression

La stratégie mise en place avec la classe de 1ère Bac pro (travailler la notion en contexte sur l’œuvre intégrale) permet non seulement de gagner du temps, mais aussi d’engager dans la compréhension en lecture. Lors de la phase de travail sur Elaastic, on notait une forte attention des élèves sur les phrases proposées. Le travail sur la virgule et les groupes essentiels ou non essentiels, permettaient aux élèves les plus fragiles de questionner la construction des phrases et de trouver des points d’appuis pour asseoir leur compréhension.

Lors de l’exercice, comme le montrent les images qui suivent, on note la difficulté non pas à réaliser la manipulation de suppression, mais à justifier pourquoi ils peuvent la faire, ou à préciser la fonction syntaxique de ce qui a été supprimé (Voir ci dessous) : 

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 Néanmoins, nous constatons que lorsque nous procédons par étape, à savoir engager les élèves sur l’identification de la nature du groupe syntaxique puis ensuite sur la fonction syntaxique de la virgule, une progression dans les résultats est à noter. On observe une certaine fragilité dans la formulation, mais une certaine perception de la fonction de la virgule. Les élèves à ce stade développent leur appréhension de la notion avec certaines maladresses encore, mais qui ne sont pour autant pas uniquement liées à la notion en elle-même. 

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L’image suivante nous conforte dans le constat qu’il est essentiel de passer par l’identification de la nature du groupe syntaxique afin de mieux appréhender la fonction syntaxique de la virgule. Ainsi, les élèves réussissent donc à faire le lien entre groupe syntaxique et usage de la virgule sans pour autant à ce stade être suffisamment aguerris sur l’expression claire d’un raisonnement, et ce d’autant que certains d’entre eux ont de grandes difficultés d’expression.

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Le travail réalisé sur Elaastic avec les classes de 3 prépa-métiers et de CAP a permis aux élèves de se questionner sur l'importance de la ponctuation sur le sens de la phrase. Les travaux d’écriture pour la classe de 3ème prépa-métiers, où la ponctuation a été évaluée, ont mis en avant une amélioration de la ponctuation. Là où certains ne l'utilisaient quasiment jamais, des points, des virgules et des points d’exclamation sont venus enrichir leurs devoirs. Au final, 12 élèves sur 21 sont en maîtrise satisfaisante ou presque maîtrisé sur cette compétence. Les résultats sont plus mitigés sur les CAP avec de très petits niveaux et des difficultés cognitives importantes pour certains élèves. Cependant, le travail sur Elaastic leur a permis de prendre conscience de l’importance de la ponctuation et il faut poursuivre le travail afin d’asseoir et consolider la compétence.

Pour les élèves de 3 prépa-métiers, on constate une amélioration des compétences linguistique. Lors de la première évaluation de la séquence, 13/15 élèves ont plus de 13/20 et 86,6 % sait repérer, identifier une incise et parviennent à construire une phrase qui en comporte une. Les classes de niveau équivalent, les années précédentes ne répondaient pas à la majeure partie des questions de grammaire, ou bien en ne se fondant que sur le sens. Si on relève un nombre encore important d’erreurs, on note cependant que la totalité des élèves essaient de mener véritablement un raisonnement grammatical.

Il demeure que l’augmentation de l’attention portée, par les élèves, à la ponctuation est visible. Celle-ci est particulièrement perceptible dans les travaux d’écriture dans lesquels les virgules sont beaucoup plus présentes pour les élèves présentant une maîtrise linguistique faible.

Globalement, on relève que les élèves les plus faibles, parmi ceux qui présentent un score moyen en compréhension, (3/15 élèves) sont ceux qui ont progressé le plus dans l’utilisation de la virgule en situation de production. Les élèves présentant un niveau plus élevé en maîtrise de la langue ont surtout progressé dans l’explicitation grammaticale. Lors du DNB n°2 : 10/15 élèves valident une bonne, voire très bonne, maîtrise de la compétence pour la partie grammaire (supérieur à 11/18 et à 15/18). Une fois de plus, c’est inhabituel pour ce type de cohorte. Ainsi, bien que les élèves en fragilité linguistique soient encore en difficultés pour expliquer et justifier à l’écrit les groupes syntaxiques et les fonctions grammaticales ; c’est une réussite également pour eux car ils réinvestissent dans leurs écrits les compétences acquises sur la ponctuation.

La dernière étape proposée est la discussion en révision-correction de productions d’élèves avec l’outil Elaastic. Ainsi, les élèves retrouvent les phrases qu’ils ont produites et sont en situation réflexive sur la langue de manière plus distanciée. Le prochain point abordé sera le discours rapporté, en fin d’année scolaire, car il émerge d’un besoin issu des productions élèves. Il apparaît que les différents chantiers de grammaire menés, et en particulier celui sur la virgule qui permet de rayonner sur de nombreuses notions syntaxiques, a permis aux élèves d’avoir le recul nécessaire pour aborder cette notion complexe plus sereinement.

Ainsi, on note que les progrès sont relevés pour la grande majorité des élèves ; excepté pour deux élèves qui présentent des difficultés majeures en compréhension des textes écrits (niveau de lecture équivalent cycle 2). Ces élèves font l’objet d’un dispositif spécifique, par ailleurs.

Développement de l’estime de soi et de la confiance en soi

Le déficit d’estime de soi des élèves a pu être un frein pour l’engagement dans la démarche de justification. En effet, les élèves conscients de leurs difficultés en expression écrite craignent les moqueries et le jugement de leurs pairs. L’outil pourrait être amélioré pour permettre une compensation de ces difficultés orthographiques et favoriser l’engagement des élèves dans l’expression d’un raisonnement, étape indispensable à la construction de leur autonomie en phase de correction. Dans l’expérience de cette année, le rôle des étayages de l’enseignant fondés sur les démarches proposées par S. G. Chartrand, son pilotage de l’ambiance de classe ont néanmoins permis à chacun d’assoir une posture lui permettant de s’engager en confiance dans l’expression d’un raisonnement grammatical. La conséquence en est une plus grande estime d’eux-mêmes et une plus grande considération pour cette notion en contexte de production.

Dans la classe de 3 prépa-métiers, ce travail avec l’outil Elastic a permis une amélioration de la confiance en soi des élèves. On peut mesurer cet apport en observant le degré de certitude des élèves dont la réponse est juste. (voir ci-dessous).

En effet, il semblerait que “chausser les lunettes de grammairien” soit plus aisé avec l’outil qui semble limiter l’effet de halo qui, dans la classe qui a fait l’expérience, agit au détriment de la construction de compétences linguistiques individuelles et collectives. En effet, certains élèves disposaient du raisonnement mais ne maîtrisaient pas le métalangage ce qui les faisait se sentir incompétents, y compris en groupe. D’autres étaient très inhibés à l’oral, en classe entière, sur ce type d’exercice. Ainsi, l’utilisation de l’outil permet à chacune et chacun de prendre le temps de réfléchir sans avoir à s’exposer oralement et contrecarre les situations où se sont toujours les mêmes élèves qui s’expriment.

D’autre part, l’utilisation régulière (7 séances pendant plusieurs semaines) a permis aux élèves de mieux estimer si leur réponse était juste. En effet, à la fin de la période, on observe que le degré de certitude est en relation avec la justesse de la réponse. Ainsi, on relève l’exemple d’une situation où 60% des élèves qui détiennent la bonne réponse se déclarent “pas vraiment confiant”. En fin de période, tous les élèves qui ont une réponse juste ont un niveau de confiance en adéquation avec la réalité. Cette évolution est liée sans doute à plusieurs facteurs : les connaissances sont plus solides, la capacité à formuler un raisonnement grammatical est plus assis, la crainte d’être jugé s’est estompée par une pratique régulière.

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L’intérêt majeur réside dans le degré de confiance et la restauration d’une capacité à agir et à réfléchir sur la langue. Il est possible de penser que la restauration de l’image de l’élève permettrait, pour certains d’entre eux, de franchir le seuil d’autodétermination et de s’orienter vers une motivation intrinsèque. A minima, la qualité de l’engagement a pu être mesurée au cours de la période.

Engager le changement de posture

La didactique de l’étude de la langue engage un changement de pratique, une remise en cause du cours descendant sans engagement de l’élève dans le raisonnement, la réflexivité. Proposer des séances de type atelier de langue n’est pas une situation des plus faciles à mettre en place. Or l’outil Elaastic qui engage dans un apprentissage entre pairs où l’élève confronté aux réponses de ses camarades développe son esprit critique, peut s’inspirer des réponses des autres, constitue un carcan qui soutient le changement de pratique de l’enseignant. En effet, pour rendre possible l’argumentation grammaticale, le questionnement, la progression dans l’apprentissage de la notion sont à construire selon la démarche proposée par la plateforme, l’enseignant s’engage dans des mises en œuvre de type atelier de langue afin de permettre aux élèves d’enfiler leurs « lunettes de grammairien ».

De plus, un changement de posture a été noté chez les élèves. Leur engagement a été plusieurs fois souligné qu’il se traduisent par des discussions entre pairs, avec l’enseignant (1ère Bac pro) ou des justifications progressivement plus formelles. On remarque par exemple que les élèves de 3 prépa-métiers portent désormais une attention accrue à la langue lors des ateliers de grammaire : à l’issue de cette série de séance avec l’outil Elaastic, le calme s’impose de lui-même en séance de langue, et plus aucun élève ne propose de réponse “au hasard” en manipulant le métalangage de manière aléatoire, lorsque c’était le cas pour 3 élèves en début d’année scolaire.

On peut supposer que l’attention particulière suscitée par l’outil a également modifié le travail en classe lors des ateliers de grammaire, les élèves semblent avoir intégrer que l’analyse grammaticale supposait engagement et concentration pour être en situation de compréhension, de réflexion et de réussite.

3.Des éléments clés à retenir à l’issue de cette première expérimentation

  • L’outil permet un diagnostic fin des capacités de l’élève en matière de raisonnement grammatical
  • L’appropriation de la plateforme nécessite un usage régulier et une explicitation des objectifs d’apprentissages
  • Le recours aux étayages en situation (fiche à disposition, dialogue) favorise l’engagement, les apprentissages et sécurise les élèves
  • L’articulation phase 1 et phase 2 est à construire au cours d’une séance afin de favoriser la réflexion de l’élève et la construction des savoirs et capacités
  • La progression des élèves est observable à des niveaux différents : expression d’un raisonnement (juste ou faux), en production d’écrit, en compréhension
  • L’usage de l’outil, une fois dépassée la problématique de l’expression écrite des élèves, permet de développer l’estime de soi et la confiance en soi
  • L’usage de l’outil engage l’enseignant et les élèves dans de nouvelles postures dont l’incidence dépasse le contexte de l’utilisation de l’outil