Objectifs : dresser un panorama de la situation de la Chine par rapport aux enjeux de la conquête de l'espace, des mers et des océans, sans oublier une contextualisation géo-historique et une actualisation des liens Chine-Russie.
1/ LA GEOGRAPHIE INDUIT-ELLE UN TYPE DE GOUVERNANCE?
La Chine est un pays géographiquement singulier : c’est un des pays les plus vastes du monde (9,5 millions de km²), et à ce jour le plus peuplé (1,4 milliards d'habitants). Cette situation géographique joue sur sa gouvernance : on ne dirige pas un tel territoire de la même manière qu'un espace à la superficie moindre.
C'est donc un Etat-continent, qui est en apparence monolithe, mais dans la réalité, particulièrement divers. Seules 8% des terres en Chine aujourd'hui sont cultivables (déserts, montagnes, urbanisation...). Et de vastes espaces sont quasiment vides d'hommes.
Il existe donc une réalité de la corrélation entre l'Etat chinois et la géographie.
2/ LA TYRANNIE DE LA GEOGRAPHIE
Avant tout et de tout temps, la Chine est un Etat terrestre.
Mais la "Mer - dite - de Chine » i montre le souhait de s'approprier cette Méditerranée asiatique. A noter que chaque pays à proximité la nomme différemment. Une volonté de la Chine d'assurer l'évolution économique de sa société : elle doit donc opérer des choix pour s'assurer cette mer qui est véritablement sa seule ouverture, le reste du pays étant enclavé. Mais de fait, existent de nombreuses tensions avec les pays voisins qui ont aussi des revendications sur cette mer.
Nombreux contentieux insulaires : Spratleys, Paracells... et problème par rapport au détroit de Malacca, nœud majeur dans la mondialisation.
Par rapport au dilemne de Malacca, la Chine répond par la mise en place de deux couloirs/corridors :
- corridor sino-birman pour désenclaver le grand sud de la Chine et éviter Malacca en accédant directement à l'océan Indien (Birmanie : Etat satellite de la Chine, junte militaire proche des Chinois), mais des tensions avec l'Inde qui se sent menacée ;
- corridor sino-pakistanais : nombreux pipelines depuis 2015; port de Gwadar ravitaillant directement la Chine
3/ L'OBSESSION SECURITAIRE CHINOISE
Exemple de la province du Xinjiang (où se localisent les Ouighours).
Le Xinjiang est une « nouvelle frontière » (au sens de front pionnier). C’est un territoire qui fait trois fois la superficie de la France. Il donne accès à l'Asie centrale post-soviétique. C'est donc un axe pivot des intérêts chinois.
Mais existent des difficultés à sécuriser cette province, par rapport à la radicalisation d'une partie des Ouighours (qui ont rejoint des camps djihadistes de l'autre côté de la frontière / al-Qaida et Daech). Face à cette situation, la Chine déploie des actions diplomatiques et des actions militaires.
A noter aussi un rôle de l'OCS (organisation de la Coopération de Shanghai). Aujourd'hui, cet OCS a aussi une vocation sécuritaire (coopération de police entre pays membres par rapport au terrorisme ou au séparatisme).
Voir E. LINCOT, Chine et Terres d'Islam, un millénaire de géopolitique, PUF, 2021.
Les relations entre la Chine et les pays d'Islam sont singulières, par rapport à ce qu'en connaît l'Occident. Elle a la volonté de nouer des relations de proximité avec ses voisins, et notamment ses voisins musulmans (sunnites ou chiites, indifféremment / Exemple des accords avec l'Arabie Saoudite et avec l'Iran). Elle vise à sécuriser les approvisionnements énergétiques : notamment ceux arrivant par voie de mer (via l'océan indien notamment).
Dès Mao et Deng Xiaoping, il y a eu le développement de la flotte par rapport aux intérêts chinois ; développement de la flotte hauturière avec Liu Huaqing : vraie impulsion.
Aujourd'hui : 8000 cargos à pavillon chinois (stratégiques économiquement, mais potentiel de mobilisation militaire si besoin).
Tous les 4 ans, la Chine crée l'équivalent militaire de la Royal Navy (depuis les années 2000).
Face à cette Chine ascendante : réplique des USA avec le Quad (Australie, Japon, USA, Inde) + Projet Indo-Pacifique (comprendre la situation d'annulation de vente des sous-marins français à l'Australie en lien avec cette situation) + projet "global gate away".
4/ LES STRATEGIES DES COLLIERS DE PERLES
Etablissement de bases/ espaces nodaux, souvent dans des régions sous tensions.
Exemple de base chinoise : Djibouti.
Première base logistique chinoise, base la plus conséquente de la Chine, à proximité des bases américaine, française et japonaise. Cela conduit vers la sécurisation du détroit de Bab-el-Mandeb, de la zone maritime, et du hub sous-marin (télécommunication/ fibre : de plus en plus digitalisation de l'économie, modification de la mondialisation avec cette virtualisation).
5/ INDE-CHINE : UNE RIVALITE RAVIVEE
Cette rivalité est notamment liée au problème des corridors sino-birman et sino-pakistanais, et des problèmes liés aux aménagements chinois au Sri Lanka. 60 années d'antagonisme entre les deux émergents d'Asie, en lien avec les ambitions chinoises dans l'océan Indien. L'Inde est géographiquement au centre des projets chinois (routes de la soie, Chinafrique...).
Or les deux pays ont la prétention d'être des "empires" (donc sans frontière/limite). D’où de nombreux échauffourées/escarmouches. Ex.: près du Tibet, au Népal, en Birmanie... (prévoir conflits à venir, de basse ou haute intensité).
6/ LE PROJET DE PROJECTION MARITIME DE MAO A XI JINPING
Dès Mao, un intérêt pour la mer. Le Grand Timonier était obnubilé par l'idée du retour d'une Chine puissante. D'où alliance avec l'URSS (traité sino-soviétique de 1950) pour y parvenir. Mais le projet de projection maritime fut compromis par la Guerre froide.
Voir : E. VERON, E. LINCOT, La Chine face au monde, une puissance résistible, 2021.
Mao est un homme rural profond, pas un homme de la mer. Et la modernité venait de l'URSS; d’où un problème lors de la rupture entre la Chine et l'IRSS; dès lors Mao se recentre sur la terre. Avec Xi Jinping, on va vers une cybercrature chinoise.
Xi Jinping est lui aussi obsédé par l'idée de souveraineté / Question du traumatisme des humiliations chinoise des XVIII° et XIX° siècles / Esprit de revanche.
Posture souverainiste: idée que la Chine doit retrouver son rang. Enjeu maritime jouant à plein pour y tendre.
Mais rivalités nombreuses avec la Chine de Taiwan (point historique p/r à la période républicaine de début du XX° siècle; opposition Chang Kai Chek et Mao; aux trésors de la Cité Interdite emmenés à Taiwan...).
Taiwan : une situation singulière. Les USA ont longtemps privilégié Taiwan, mais en 1979 ils reconnaissent la Chine continentale ; néanmoins aujourd'hui accord avec Taiwan (7° flotte américaine devant intervenir si l'île est agressée). Taiwan est un lieu-clé, a une société hétérogène, éclectique, démocratique ; c’est une puissance technologique...mais elle n'est plus reconnue aujourd'hui que par 15 Etats (donc Taiwan = nain politique depuis les années 1990').
Depuis 2004, la Constitution chinoise indique qu'un jour ou l'autre, Taiwan (considérée comme une province en rupture) sera réintégrée à la Chine (RPC).
La question de la guerre entre la Chine et Taiwan n’est pas impossible, malgré les nombreuses relations entre les deux. C’est la problématique de l'irrationalité des décisions par rapport à la situation.
Sanctuarisation de la Mer de Chine par le pays : au coeur de tensions diverses, car la Chine réfute le droit international / idée de révisionnisme historique.
7/ CHENGDU J-20, DRONES MALE, ET AUTRES TECHNOLOGIES
Actuellement 2 porte-avions pour la Chine, et 3 autres en création
Les efforts pour s'équiper sont colossaux
Chengdu J20 : avion de chasse de forte autonomie dépassant Mach2, très polyvalent
Aujourd'hui, la Chine est maitresse dans la fabrication de son propre matériel et elle assure le développement d'un arsenal important.
Question de la cyberguerre : Chine déjà en place pour ce type de conflictualité (ex.: contre Taiwan); pillage technologique et scientifique / vers une nouvelle forme de guérilla soutenue par l'Etat chinois.
8/ LA CHINE ET L'ESPACE
Conquête spatiale : toutes ces innovations technologiques ont permis à la Chine de conquérir l'espace.
Baidu : spécialisé dans la reconnaissance satellitaire, en partie une entreprise privée, mais sous le contrôle de l'Etat-parti
Huawei : déploiement de la 5G, voire 10G, 30G, réticence en Europe, à cause du système de surveillance
Le Grand bond technologique en avant a permis à la Chine de conquérir l'espace. Historiquement, elle doit à l'URSS tous ces transferts de très haute technologie.
Le « rêve chinois » fait partie de la rhétorique, et vise à concurrencer l' American dream . Ce rêve chinois est porté par la très haute technologie, permettant de dépasser les conquêtes terrestres. Crainte pour Occidentaux : finalité militaire de cette conquête.
Conclusion : Vers une peur des Occidentaux : ce rêve chinois ne sert-il pas, in fine, l'aspect militaire chinois?
9/ ECHANGES ET QUESTIONS DIVERSES
- Quelle vision de la Chine p/r à l'Afrique?
Une vision idéologique depuis Bandung 1955. La Chine appuie fortement les pays d'Afrique dans leurs aspirations et prétentions. Elle participe à de nombreux projets (musées, stades...), à la lutte contre le terrorisme, avec derrière l’idée de récupérer des ressources, des avantages et des accords. C’est aussi du Soft power.
- Un canal pour l'isthme de Kra?
Bras de mer au nord de Malacca; vers un canal artificiel; mais tensions et problèmes à prévoir; la Chine s'est donc tournée vers les corridors (évoqués précédemment)
- La Chine p/r à la situation actuelle en Ukraine?
Abstention à l'ONU p/r à l'agression russe ; soutien relatif/ambigu
- La chine p/r au Golfe de Guinée?
- RCEP
- Chine / ONU / Haute mer
- Comment présenter Taiwan aux élèves?
- La Chine en Arctique ? Les routes de la soie passent aussi par la route des pôles; accords entre la Chine et l'Islande (futur hub international?)
- Chine et Pandémie Covid-19
- Chine et question environnementale
- La Chine contrôle -t-elle ses ressortissants à l'étranger?
- Chang'e / Apollo
- La station spatiale chinoise
Propositions pédagogiques en lien avec le sujet :
Lectures possibles :
- Alain Roux, Le singe et le tigre. Mao, un destin chinois, Paris, Larousse, 2009, 1126 p.
- E. Lincot, Chine et Terres d'islam. Un millénaire de géopolitique, Paris, PUF, 2021, 342 p