Le CNRS et l'UMR Géographie-cités publient un dictionnaire en ligne gratuit focalisé sur les questions en lien avec les mobilités. Depuis "accessibilité" à "White flight", en passant bien évidemment par "baleine", Mobidic est une redécouverte critique des mobilités au travers des mots qui en parlent.
Pourquoi ce dictionnaire en ligne qui propose des notices étoffées rédigées par des spécialistes et étayées par des bibliographies est-il à explorer sans modération dans le cadre des enseignements de lycée professionnel ?
Un voyage en baleine...
En 1851, Herman Melville offre au monde un chef d'oeuvre, Moby Dick. Si ce roman est souvent résumé à la traque obsessionnelle d'une baleine blanche par le capitaine Achab, il est en fait bien plus riche. C'est ainsi, entre autres, un formidable récit géographique peignant la complexité des forces agissantes qui traversent le monde. Moby Dick, c'est un voyage en baleine.
C'est à ce voyage dans le questionnement de la notion de mobilité que le projet Mobidic nous invite.
Capture d'écran du site Mobidic, consulté le 13 janvier 2024 (cliquer pour accéder à l'article "baleine" du site)
Au-delà de la simple définition, des notions qui prennent corps lorsqu'elles sont mises en relation
L'ambition du projet Mobidic est donc ici, à la croisée des notions. Les définitions sont thématiques et croisées systématiquement avec la notion de mobilité. Il s'agit ainsi de penser des interactions - "Quels impacts la mobilité a-t-elle sur les espaces" et "comment les espaces conditionnent-ils les mobilités" par exemple -.
L'objectif poursuivi est de d'apporter aux enseignants des éléments qui leur permettront ensuite de mettre les élèves en situation de confronter le concept notionnel dont ils apprennent la définition à la réalité de ses manifestations géographiques au-delà du simple constat. Pour cela, les enseignants doivent tout d'abord développer leurs approches en s'appuyant sur des notions fondées et étayées. Il ne s'agira ainsi plus de dire à un élève de seconde ou de CAP "voilà une exemple de mobilité, regardons comment elle se manifeste spatialement" mais d'interroger différemment ses savoirs, savoir-faire et savoir-penser : "pourquoi la mobilité se manifeste-elle ici et sous cette forme ?".
Dans un article intitulé Géographie scolaire et pensée de la complexité, paru dans en 2018 dans L'information géographique aux éditions Armand Colin, Philippe Hertig y recense en page 11 les concepts dits "intégrateurs" (de la pensée complexe) et les questions qui y sont liées.
Les programmes de seconde et de CAP apparaissent à priori les plus appropriés pour mener cette démarche car la mobilité figure en tête des notions et mots-clés du thème 2 du programme de géographie en seconde. Les articles "frontières", "territoires", "migration" et "migrations privilégiées" seront ainsi riches en axes de travail.
En CAP, dans le premier thème, les transports et les mobilités sont appréhendés dans leur diversité (circulation d’individus, échanges de marchandises, flux de données), leurs modalités (transports terrestres, maritimes et aériens) et leurs interconnexions comme une réalité du monde contemporain. Le programme part d’expériences de proximité pour aborder ensuite les thématiques à différentes échelles. Dans le second thème, l'étude des villes petites et moyennes générant de fortes mobilités est proposée. Mobidic apportera sur ces questions des bases réflexives tout à fait pertinentes.
Pourtant, limiter l'usage du dictionnaire Mobidic à la question de la mobilité stricte serait passer à côté de l'intérêt même du projet dont les enjeux ont été rappelés en introduction.
Pistes de réflexion pour un usage élargi du projet Mobidic
En classe première
Le thème 1 de géographie se prête particulièrement à l'usage de Mobidic. Pour traiter de la recomposition du territoire urbain en France en intégrant les questions de métropolisation et de périurbanisation de nombreux articles peuvent être très profitables.
Questionner cette notion revient à interroger non pas le mouvement mais le lieu où ce dernier est interrompu. De fait, entrer dans la question de la mobilité par ce biais revient à reconsidérer la nature et l'usage des objets géographiques. Lieu du mouvement frénétique par excellence, la ville peut ainsi être appréhendée comme le lieu de la halte : halte liée au travail, à la résidence ou au loisir.
En appliquant cette approche à la question de la périurbanisation, il deviendrait ainsi possible de travailler sur les réseaux de transports qui, en privilégiant la vitesse, optimisent le temps et laissent isolés des territoires pourtant intercalés entre deux haltes. Amener rapidement des passagers d'un point A à un point D, c'est en effet négliger les opportunités de développement pour les territoires aux points B et C. C'est ainsi la mobilité qui produit le lieu tout autant que le lieu la nécessite.
Ce même type d'approche peut être mené avec les articles suivants (images cliquables), tout autant pour le programme de première que le programme de terminale. Sur ce niveau de terminale, c'est aussi le thème 1 qui sera utilement approché sous cet angle pour aborder les questions en lien avec les nouvelles façons de penser et d'habiter la ville (par exemple la dernière partie de l'article "mobilités résidentielles" sur la pertinence de la mobilité comme levier de l'action publique).
En classe de terminale
Plus spécifique, l'article "ressources" viendra utilement nourrir la réflexion des enseignants sur cette question pour laquelle la démarche de pensée complexe est presque incontournable.