Carolle Benitah fait partie de ces femmes artistes qui se sont emparées du fil et de l’aiguille pour écrire leur propre histoire et affirmer leur point de vue sur l’identité féminine.

Dans cette nouvelle exposition « Le fil de soi » présentée à la Galerie du collège Lakanal, ses œuvres intimes, poétiques et sensibles, réalisées sur des supports variés, racontent la famille, le temps qui passe, l’expérience de la vie comme un journal photographique où chaque année se déroule le fil de nos vies

Les photos, extraites de ses séries : « Photos souvenirs » (2009-2014), « Ce qu’on ne peut pas voir » (2013), sont construites à partir d’archives personnelles pour questionner la mémoire de l’enfance, de l’adolescence puis de l’âge adulte et les schémas familiaux. Elle se sert de la fonction décorative de la broderie pour souligner ce qu’elle veut dire, pour réinterpréter son histoire et en dénoncer les travers comme les contraintes faites aux femmes dans la société traditionnellement patriarcale au Maroc, dont elle est originaire. La couture, qu’elle a exercée en tant que styliste, durant 10 ans, avant de se consacrer à la photographie, suite à une remise en question, représente pour elle la métaphore d’une construction minutieuse de soi.

C’est toujours avec le fil rouge, symbolisant les émotions violentes, que Carolle Benitah intègre l’écriture à des objets, des ouvrages textiles du trousseau de « la femme parfaite » qu’elle détourne : « Les attentes impossibles » (2012), 11 mouchoirs brodés de pensées et de désirs en attente ou recouvre des maisons placées sous dôme de verre, « Les Maisons états » pour évoquer les liens qui peuvent protéger, mais aussi entraver.

Dans ses dernières séries « Jamais je ne t’oublierai » (2017-2020), Carolle Benitah masque, à la feuille d’or, des parties de photographies, plus particulièrement les visages de personnes anonymes, posant dans des moments heureux, qu’elle collectionne, pour créer des albums imaginaires et reconstituer une vie rêvée.

« L’album de famille catalyse le souvenir et l’imaginaire sur lequel je couds, je brode, colle et découpe, je joue avec le fil rouge des émotions et la fragilité des perles de verre, laissant remonter quelquefois les ruines archaïques de mon histoire. Images du passé et intervention du présent, la réalité et le rêve sont les clés de mon langage. L’aiguille et le fil sont là pour réajuster les images évanescentes de la mémoire... » Carolle Benitah

Valérie Damblé, Professeure d'arts plastiques au collège Lakanal de Foix.

Blog ENT collège Lakanal.

Instagram de l'artiste : https://www.instagram.com/carollebenitah/