La cour de récréation à l’épreuve du genre au collège

" Publié le 21/01/2021

Auteur(s) : Emmanuelle Gilles, professeure agrégée d’histoire-géographie, docteure en géographie - université Caen Normandie

Le temps et l'espace de la récréation au collège sont un cadre privilégié de l'observation des rapports de genre, lesquels sont en construction chez les collégiens et les collégiennes. L'acquisition d'un capital spatial, progressive au cours des quatre années du collège, est inégale selon le genre, selon l'âge scolaire et selon les individus. Le rôle de l'institution scolaire est crucial dans la régulation des rapports sociaux de sexe et dans l'accès à chaque élève aux équipements, notamment sportifs.

SOMMAIRE
  1. 1. Une asymétrie d’appropriation spatiale, reflet des rapports sociaux liés à l’âge scolaire
  2. 2. Centres et périphéries à l’épreuve des rapports sociaux de sexe : une répartition sexuée de la cour de récréation
  3. 3. À la frontière des deux sexes, à la recherche de l’autre : du conflit d’usage à la séduction dans la cour du collège
  4. 4. Le rôle de l’institution scolaire : imposer une nouvelle pratique des lieux

Le collège est l’espace majeur de la socialisation adolescente où les élèves se côtoient dans des lieux (salles de classe, espaces de détente, espaces à proximité du collège) aux temporalités emboîtées (heures de cours, temps de récréation, pause méridienne, journée, année scolaire, scolarité de la sixième à la troisième). Le collège est également un espace social où chaque sexe se donne à voir (Goffman, 2002), reproduisant et intériorisant leur rôle sexué respectif conforme à l’asymétrie sexuée (Ayral, 2011) du monde social, ce que Duru-Bellat nomme « la facette implicite du métier d’élève ». Cette expérimentation de soi et d’autrui à l’école se lit, pour un géographe, par les actes spatiaux des garçons et des filles, c’est-à-dire par des pratiques quotidiennes et routinières de maîtrise des lieux, ce qui renvoie à des registres bien identifiables de la spatialité des rapports sociaux de sexe. Par conséquent, la spatialité des rapports sociaux de sexe peut s’entendre comme l’ensemble des usages et des pratiques de l’espace par des opérateurs sociaux dont le genre agit sur l’espace. Combiner le concept de spatialité à celui du genre en s’intéressant plus particulièrement aux compétences spatiales que développent les adolescents et les adolescentes au sein de la cour de récréation questionne les rapports sociaux de sexe comme processus quotidiens de production d’inégalités sexuées dans un espace social. Dans quelle mesure la fragmentation des lieux scolaires participe-t-elle à la (re)production de rapports sociaux de sexe inégaux dans un espace social de co-présence corporelle entre filles et garçons?

La cour de récréation est un lieu de socialisation majeur à l’âge de l’adolescence où la moindre pratique spatiale exige la maîtrise de l’espace, voire de portions de l'espace, de la cour de récréation dont l’âge (partie 1) et le sexe (partie 2) sont des facteurs d’appropriation déterminants. Les relations entre pairs se construisent et se déconstruisent dans cet espace définissant ainsi une hiérarchie de pratiques socio-spatiales marquées par des rapports sociaux de sexe inégaux (partie 3) où l’institution scolaire a un rôle à jouer (partie 4).

La cour de récréation est un terrain d’expérimentation de soi dans le monde social. Cet espace est alors approprié, non dans sa globalité, mais en différents îlots d’activités et de regroupements entre pairs. D’un espace cloisonné, il devient également un espace relationnel spécifique où plus d’un élève sur deux aiment « s’asseoir sur un banc ou un muret » et « discuter avec les copains/copines » (données issues des questionnaires). La cour de récréation est également perçue comme un espace fonctionnel, fragmenté en fonction du mobilier urbain (bancs, tables de pique-nique), des équipements sportifs à disposition (plateaux sportifs) et de l’architecture des bâtiments (coin, recoins, escaliers, couloirs, foyer). Ces objets sont autant d’unités spatiales affectées à une, voire à plusieurs fonctions socialisantes génératrices d’inégalités entre âge scolaire et entre sexes. "

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[1] Les prénoms ont été modifiés.