L’Amérique latine, cet « extrême occident » (Alain Rouquié), fut façonné par la conquête et la colonisation ibérique, mais les indépendances acquises au début du XIXème siècle laissent bientôt place à un nouvel impérialisme. En effet, en chassant les Espagnols de Cuba et Puerto Rico en 1898, les Etats-Unis s’affirment dès la fin du XIXème siècle comme la puissance tutélaire de l’hémisphère occidental, tant sur le plan économique que politique et militaire. La guerre froide vient renforcer la mainmise du grand voisin du Nord sur l’Amérique latine, dans une logique d’endiguement du communisme. Fidel Castro à Cuba, les FARC en Colombie, ou les présidents réformistes Arbenz (Guatemala) ou Allende (Chili) sont perçus comme une menace contre laquelle les Etats-Unis n’hésiteront pas à soutenir coup d’Etats militaires et dictatures sanglantes.
Aujourd’hui, la géopolitique de l’Amérique latine est en pleine recomposition. Le contexte international a changé, et les enjeux ont évolué : les Etats Unis détournent leur intérêt vers d’autres horizons : interventions au Moyen-Orient dans la « guerre de terrorisme », montée en puissance du rival chinois en Asie... Les intégrations régionales redessinent la carte du continent. Si le Mexique s’amarre à l’Amérique du Nord via l’ALENA, le rejet de la ZLEA (Zone de Libre Echange des Amériques) proposée par l’administration Bush, et le développement concomitant d’intégrations proprement latino-américaines (MERCOSUR, UNASUR, ALBA...) témoignent de la volonté des Etats latino-américains de construire leur propre sphère d’échange et de coopération hors de la tutelle de Washington. Politiquement, en effet, le retour à la démocratie dans les années 80 a permis l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle gauche latino-américaine dans les années 2000 (incarnée par Chavez au Venezuela, Morales en Bolivie, Correa en Equateur...) clairement opposée à l’impérialisme étatsunien sur le continent. En outre, le géant brésilien, qui revendique face avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde Chine et Afrique du Sud) un rôle accru dans les affaires du monde, affirme de plus en plus sa souveraineté et conteste à Washington le leadership sur l’Amérique du Sud.
Pour s’émanciper d’une relation trop exclusive avec les Etats-Unis, l’Amérique latine se cherche de nouveaux partenaires : l’ouverture politique et économique de l’après-guerre froide, dans le contexte du triomphe du libéralisme, a permis un retour en force des Européens sur le continent, sous l’impulsion de l’Espagne, sortant elle-même de l’isolement du franquisme. Les entreprises européennes investissent alors massivement sur les marchés latino-américains, à la faveur de vagues de privatisations, tandis que les Etats et collectivités locales multiplient les accords de coopération avec l’Amérique latine, dans le domaine économique mais aussi dans l’urbanisme ou l’éducation par exemple. A partir des années 2000, c’est cependant la Chine qui s’impose comme le partenaire commercial le plus dynamique pour l’Amérique latine : elle inonde le continent de ses produits manufacturés et s’affirme comme un débouché majeur pour les matières premières agricoles et minières de l’Amérique latine, dont les économies connaissent une phase de « reprimarisation ».
Ainsi, dans un contexte international de plus en plus multipolaire et marqué par la montée des grands émergents, la place de l’Amérique latine dans le monde est en pleine redéfinition, tant dans le domaine économique que géopolitique.
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