Vigil, une série qui navigue entre policier et géostratégie du Royaume-Uni
La série Vigil (2021) diffusée par la BBC One au Royaume-Uni et par ARTE en France, qui mêle enquête policière et enjeux géostratégiques, a contribué à médiatiser la base sous-marine de Faslane. Elle offre un contrepoint au récit américain sur sa propre puissance, popularisé par nombre de séries télévisées. Vigil aborde ainsi les bases de la puissance militaire britannique et interroge également sa relation aux autres grandes puissances mondiales.
Le dispositif narratif se met au service de l’illustration de deux lieux emblématiques de la dissuasion nucléaire britannique. En effet, une enquêtrice de la police écossaise est envoyée sur le HMS Vigil, un des quatre sous-marins de la classe Vanguard, suite à un meurtre survenu au cours d’une patrouille. L’enquête se déroule alors à la fois dans le sous-marin et à terre en Écosse, notamment dans la base de sous-marins. La dissuasion nucléaire anglaise repose en effet depuis 1998, uniquement sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE selon le signe français, SSBN pour le signe OTAN). Il est donc logique que la série aborde dans une dialectique narrative ces deux lieux, en prenant, au besoin, quelques libertés avec la réalité. La base de Faslane est ainsi rebaptisée Dunloch dans la série et est bien évidemment reconstituée, pour des raisons de sécurité stratégique.
D’autres éléments s’appuyant sur des spécificités techniques réelles, sont mise à profit pour l’intrigue de la série, comme la possibilité de ne communiquer que dans un seul sens, de la base vers le sous-marin.
S’inscrivant dans le cadre d’une « relation privilégiée », la relation aux États-Unis est également illustrée dans la série. D’une part, le dialogue entre le commandement de la Navy et celui des sous-marins américains est régulier, montrant la coopération dans les différentes crises qui traversent les épisodes. D’autre part la complémentarité est également technique, car les missiles Trident embarqués étant américains, une partie de la maintenance s’effectue en Floride.
Concernant les différentes péripéties, relatives à l’équipage notamment, là encore la série s’inspire de faits réels, car un scandale avait frappé une partie de l’équipage du HMS Vigilant, en octobre 2020, contaminé suite à une virée dans les clubs de Floride.
La proximité de la présence russe dans l’Atlantique nord, notamment par la base de Mourmansk évoquée en introduction du dossier, apparaît explicitement dans la série. Elle est par ailleurs illustrée par le passage des navires océanographiques russes qui sont suspectés de collecter des informations, notamment sur les câbles sous-marins. Sans " divulgâcher" la série, le caractère hybride de la guerre qui repose notamment sur la déstabilisation et la communication est également mis en scène. La dimension symbolique de la puissance russe est incarnée par Vladimir Poutine qui apparaît dans le générique passant les troupes en revue.
Enfin, il est intéressant de voir que la série ne tait pas les contestations à cette politique de dissuasion nucléaire. Les opposants aux Trident sont bien présents dans la série, que ce soit au travers de la présence du « camp de la paix » inspiré du Faslane peace camp, à proximité de la base navale. L’opposition de personnalités politiques écossaises à la localisation de la dissuasion ucléaire en Ecosse peut se lire dans une logique d’autonomie par rapport à l’Angleterre. Le générique reprend par ailleurs des images réelles de ces protestations avec le slogan « Scots say No to Trident », le « o » de « No » étant remplacé par le symbole de la paix.
Le naufrage d’un chalutier de pêche en ouverture de l’épisode 1 renvoie également au naufrage du Bugaled-Breizh, un chalutier qui a coulé au large de l’Angleterre et où les familles défendent la thèse de l’accrochage avec un sous-marin, sans que ceci n’ait été prouvé.
Au final, la série Vigil s’inscrit dans une dimension géographique de mise en scène des lieux de la dissuasion nucléaire britannique et géopolitique et de réflexion sur la cohabitation de différentes puissances, au sein d’un espace comme l’Atlantique Nord.
Niveau :
Terminale SELO-DNL anglais
Terminale et première HGGSP
Terminale tronc commun géographie
Thème du programme :
Terminale section européenne anglais : The Uk, a maritime power ? How do Britain’s maritime assets contribute to ist hard and soft power?
Terminale HGGSP :
- thème 2 – Faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolution
- thème 1 – De nouveaux espaces de conquête
Terminal géographie :
- thème 1 : Mers et océans : au cœur de la mondialisation
Première HGGSP :
- thème 2 : analyser les dynamiques des puissances
Objectifs notionnels / capacités – compétences :
- identifier les acteurs géopolitiques de l’intrigue
- localiser les principaux lieux
- utiliser l’échelle appropriée pour analyser les lieux
- confronter le savoir acquis en histoire et géographie avec la fiction
- employer les notions et lexique acquis en histoire-géographie à bon escient
- transposer un ensemble documentaire en croquis
- procéder à l’analyse critique d’un document audiovisuel de fiction
Documents / outils mobilisés :
- bande annonce série tv Vigil : Vigil de Tom Edge, produite par World Productions, en six épisodes diffusée sur BBC One en août 2021 puis Arté. La série se déroule en Écosse et dans un sous-marin lance-missiles fictif de la Royal Navy.
- le générique de la série tv Vigil
- Catherine Biaggi, Laurent Carroué, « Affirmer sa puissance : forces sous-marines et dissuasion nucléaire, enjeux géographiques et géostratégiques », Géoconfluences, 01/09/2020 ; http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/oceans-et-mondialisation/articles-scientifiques/puissance-sous-marins-nucleaires
- Laurent Carroué, « Royaume-Uni - Faslane : la base navale sous-marine écossaise au rôle géostratégique », Géoimage ; https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/royaume-uni-faslane-la-base-navale-sous-marine-ecossaise-au-role-geostrategique-0
Activités des élèves :
« Séance 1 : construire un organigramme (support visuel) en groupe pour comprendre les enjeux de la série (1h) »
1. Identifier lieux, acteurs, objectifs de chacun en créant un organigramme, à partir du tableau des extraits, du générique et de la bande annonce de la série ;
2. Après lecture des articles de Géoconfluences et Géoimage, enrichir l’organigramme et définir le hardpower ;
« Séance 2 : construire un croquis (2h) »
- Compléter la légende et réaliser un croquis de synthèse répondant au sujet : « Le Royaume-Uni : une puissance maritime ? »
- Mettre en perspective, relation avec articles presse sur disuasion et hardpower afin d'engager un débat au sein de la classe
Evaluation :
Débat public sur l’achat ou non par le R.U. de nouveaux SLN. Répartition des rôles dans la classe en utilisant les acteurs du tableau. :
- Recherches préalables d’arguments
- Débat en classe évalué
Bibliographie / sitographie :
Podcast de l'IRSEM - Le Collimateur : Dans le bunker #46 : "Vigil" de Tom Edge (2021) | 04.02.2022
https://www.irsem.fr/le-collimateur/dans-le-bunker-46-04-02-2022.html
Laura Berny, « « Vigil » : suspense au fond des mers », Les Echos, 5 janv. 2022 ;
https://www.lesechos.fr/weekend/cinema-series/vigil-suspense-au-fond-des-mers-1376953
Nathalie CHUC, « Vigil (Arte), un oppressant polar en eaux troubles », Le Figaro, 13/01/2022 ;
Thomas SOTINEL, « « Vigil », sur Arte : huis clos, espionnage et meurtre en haute mer », Le Monde, 13 janvier 2022 ;
Lucy MANGAN, « Vigil review – Suranne Jones feels the pressure in sharp submarine thriller », The Guardian, 29 Aug 2021 ;
Antonin BAUDRY, « Le Chant du loup », film français, 2019;
