« Le tableau blanc », un outil d'expression engageant pour s’assurer de l’efficacité de la préparation et de l'aboutissement d’un projet pédagoique à visée actionnelle
(à partir d’un exemple en cours d’espagnol en fin de cycle 4)
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Le tableau blanc constitue un outil simple et efficace émanant de Leerkracht, une méthode néerlandaise en application depuis plus de 10 ans dans 1500 établissements, qui vise à renforcer la collaboration entre enseignants, notamment aux Pays-Bas.
Dans cet article est proposée une adaptation de cette technique de travail en équipe comme outil pédagogique engageant de suivi des différents projets que nous pouvons mener avec nos élèves en langue cible, comme, par exemple, les projets finaux de fin de séquence ou ceux en lien avec les évènements nationaux liés à l’enseignement des langues vivantes étrangères.
▶ De quoi s’agit-il ? Quels sont les objectifs de cet outil de facilitation ?
Le tableau blanc, divisé en sept blocs, permet de mesurer l’avancée d’un projet, de le mettre en œuvre de façon efficace en sondant les besoins de ses participants et en les impliquant, grâce à une méthodologie simple à respecter. Il permet donc à l’enseignant de réguler son enseignement et de différencier son approche pédagogique pour répondre aux besoins des élèves et les accompagner dans la réalisation d’une tâche complexe.
Outil collaboratif et de suivi, le tableau blanc nous permettra, en cours de langues, de :
- clarifier les objectifs à atteindre et les actions à réaliser en vue de la réalisation d’un projet pédagogique, en suivant l’avancée du traitement de son sujet et des conditions de sa mise en oeuvre.
- mettre en avant les réussites intermédiaires liées à ce projet pour motiver les élèves et évoquer les difficultés éventuellement rencontrées pour les aider à les résoudre.
- créer des rituels de collaboration entre les élèves mais également avec leur enseignant en tenant compte de leurs compétences psycho-sociales lors de la préparation d’un projet demandé.
▶ Comment utiliser cet outil ?
- Public visé : 15 personnes maximum pour pouvoir laisser la parole à chaque élève ; idéalement 10 / 12 personnes pour créer une dynamique de groupe.
Alternative pour envisager sa mise en œuvre en classe entière : travailler sur plusieurs tableaux blancs simultanément, avec un élève responsable par tableau, après un temps commun de prise en main de la méthode avec l’enseignant, en s’appuyant sur la fiche méthode schématique jointe à donner aux élèves pour les accompagner dans ce travail collaboratif.
- Peu de matériel est nécessaire : un grand tableau blanc, des feutres de différentes couleurs de préférence et éventuellement quelques aimants.
- Temps : 30 min maximum, à moduler en fonction de l’avancée et du type de projet réalisé.
- Espace : regroupement de tables tournées vers le tableau blanc pour favoriser un engagement actif, en cercle ou debout devant le tableau ; utilisation d’éléments modulaires s’ils existent.
- Modalités de travail : l’enseignant est placé ici en posture de facilitateur, étant entendu qu’il est le gardien du cadre de travail et de la méthode. C’est lui qui prend les notes sur le tableau blanc et qui anime les échanges lors d’une première prise en main.
Sa posture se rapproche de la posture d’accompagnement, développée par Dominique Bucheton (https://eduscol.education.fr/document/16219/download) puisqu’il apporte une aide ponctuelle, soit individuelle, soit collective, en fonction de l’avancée de la tâche et des obstacles à surmonter. Il facilite des discussions entre les élèves, favorise la recherche des références ou outils nécessaires, intervient le moins possible, observe et relance les interventions de chacun.e.
Tous les participants sont amenés à s’exprimer : le professeur doit veiller à équilibrer la parole, tout en gérant le temps et enmaintenant une dynamique d’écoute et d’ouverture. Un gardien du temps et un observateur peuvent être nommés pour proposer un retour d’expérience.
- Mise en oeuvre : pour utiliser cette méthode engageante, il est conseillé de respecter l’ordre des étapes suivantes (voir document schéma) :
1) TEMÁTICA: annoncer le sujet travaillé (point d’étape sur un projet final par exemple).
2) ESTADO DE ÁNIMO: faire s’exprimer les élèves sur leur ressenti individuel par rapport à la préparation et la réalisation de ce projet en le justifiant (degré de confiance individuel et/ou collectif, besoins pédagogiques identifiés…).
Exemples d’interventions d’élèves : « (no) me siento confiado/a en este proyecto porque… », « estoy muy estresado/a a la hora de hablar en público », « todavía me falta vocabulario para expresarme, « necesito más explicaciones », « quiero que se nos explique de nuevo esta estructura », « no he entendido muy bien la última etapa de este proyecto porque… ».
Cette étape d’expression personnelle permet de prendre en compte les divers freins rencontrés par nos élèves (dimension pyscho-sociale), puis de proposer a posteriori une aide collective et / ou individualisée pour mieux les accompagner dans la réalisation du projet. L’enseignant.e pourra donc moduler/réajuster ses propositions pédagogiques en les différenciant (feedback sur les acquisitions des élèves avec la réussite du projet final en toile de fond).
Pour faciliter l’expression des élèves, une carte « météo » ou une roue des émotions peuvent être proposées en guise d’outils visuels : on peut reporter les résultats obtenus sous forme de chiffres (de 1 à 5) sur le tableau pour synthétiser de façon simple (voir exemple proposé).
Cette activité d’expression répond aux compétences d’interaction et de médiation rappelées dans les nouveaux programmes de langues vivantes adoptés par le Conseil Supérieur des programmes lors de la récente séance du 28 novembre 2024 : « […] Les élèves développent en particulier leurs compétences psychosociales cognitives (telles que la « capacité à résoudre des problèmes de façon créative ») et émotionnelles (« comprendre ou identifier ses émotions et son stress »). / « En situation d’interaction ou de médiation, les élèves peuvent développer leurs compétences psychosociales, en particulier les compétences sociales (« communiquer de façon constructive », « développer des relations constructives », « résoudre des difficultés ») . Source : https://www.education.gouv.fr/le-conseil-superieur-des-programmes-41570 ; programme de collège / espagnol.
3) NUESTROS ÉXITOS: évoquer les succès liés à la réalisation de ce projet, l’objectif étant de visualiser les avancées / le chemin parcouru, de valoriser les réussites et donc d’encourager les élèves dans la tâche à réaliser. Le professeur peut aider les élèves à prendre conscience de leurs connaissances et compétences, ce qu’ils savent déjà dire et faire pour réaliser la tâche, si besoin.
4) TIEMPO DE TRABAJO: délimiter le temps de travail à partir de l’usage du tableau blanc permet de cadrer les échanges et de gagner en efficacité (5 minutes par bloc maximum et davantage pour la partie « plan d’action », 10-15 minutes).
5) LLUVIA DE IDEAS: cette section, appelée « parking » dans la méthode initiale, permet de noter ici toutes les idées annexes qui n’ont pas toujours un rapport direct avec le projet traité et de les prendre en compte pour les traiter dans un second temps. Toutes les interventions des élèves sont donc considérées en étant visibles sur le tableau, même si elles peuvent être quelque peu hors cadre. Cette activité se veut engageante, en favorisant l’expression : cette section permet donc de revenir sur les points annexes et les idées émergentes plus tard.
A noter que cette partie peut être externalisée et que les élèves peuvent venir écrire eux-mêmes ces idées connexes dans cette rubrique pendant l’activité, sans les exprimer oralement, pour ne pas couper la dynamique d’échanges autour du sujet traité.
6) OBJETIVOS: rappeler les objectifs visés dans le projet à réaliser. Des élèves peuvent ajouter des objectifs intermédiaires en fonction de leurs besoins (voir exemple proposé). Il semble pertinent de les amener à se poser la question « comment saurez-vous si l’objectif est atteint ? » pour qu’ils conscientisent les critères de réussite (à partir d’une grille d’évaluation critériée par exemple).
7) ACCIONES: c’est la partie centrale de cette activité expressive. En fonction du type de projet final, individuel ou collaboratif, il s’agira d’établir un plan d’action pour parvenir à réaliser le projet demandé. Dans les deux cas, il est primordial de planifier ces actions et de définir une échéance à respecter, un responsable de l’action et un « statut » (à faire, en cours, retard).
En appliquant cette méthode, nous formons ici nos élèves aux principes du travail collaboratif, rappelés dans le domaine 2 du socle commun, par exemple : choisir et utiliser différents outils et techniques pour garder la trace de ses activités et/ou recherches et permettre un entraînement au travers d'un travail personnel, planifier les étapes et les tâches pour la réalisation d'une production (organiser son travail personnel), définir et respecter une organisation et un partage des tâches dans le cadre d'un travail de groupe (coopérer et réaliser des projets).
Quelques conseils de mise en œuvre :
- Fixez-vous bien un temps pour que chaque bloc du tableau soit exploité, le tout formant une cohérence pour s’assurer de l’esprit et de l’efficacité de cette technique de facilitation :
- Une fois complété, pensez à prendre en photo votre tableau en guise de compte-rendu pour permettre à tous de visualiser les avancées et les nouveaux objectifs fixés afin de le diffuser facilement (affichage en classe, diffusion aux élèves, en format papier ou numérique). Ce visuel constitue également la base d’un prochain échange de suivi. Avec un certain degré d’autonomie, il est possible de demander aux élèves de le mettre à jour en fonction des avancées.
Prolongements :
Cet outil d’organisation et de suivi d’actions est tout à fait transférable au travail personnel des élèves. Nous pouvons en effet aussi tout à fait les former à son utilisation autonome afin qu’ils puissent, à leur tour, l’utiliser pour mener leurs propres projets réalisés en groupes, en langue cible, en étude ou au CDI, si les espaces et les modalités de travail requises le permettent.
On peut également y avoir recours pour faciliter le travail d’équipe lors d’épreuves d’examens, comme pour l’oral du DNB par exemple. Plus largement, il peut être utilisé dans des projets relevant du Parcours citoyen à travers, par exemple, les actions menées dans l’établissement comme les missions d’éco délégués, du CVC / CVL, des délégués des internats, etc.
Enfin, cet outil de facilitation qui donne la parole à chacun.e peut également être proposé pour animer une réunion entre collègues pour la structurer et la rendre efficace, limitée dans le temps (voir exemple temps de facilitation, projet « Célébrons vos réussites ! »).
Documents fournis, entre autres, sur le lien ci-dessous :
- des exemples de tableaux blancs : un tableau réalisé avec des élèves de LCE espagnol, suite à un projet final proposé par le CIEP, dans le cadre de la Journée européennes des langues (travail en interdisciplinarité avec l’enseignement d’Arts Plastiques) et un tableau suite à un temps de réunion entre collègues pour faciliter l’organisation d’un événement dans l’établissement (« Célébrons vos réussites ! »).
- un schéma récapitulatif de la méthode et des documents annexes : positionnement des ressentis par exemple.
Je tiens à remercier vivement les formateurs d’Ecolhuma qui m’ont initiée à cette technique de facilitation lors d’un séminaire au Domaine de Jambville (78) en octobre 2024- sous l’impulsion de Mme Francart, cheffe d’établissement-, et qui ont accepté de partager quelques-uns de leurs documents.
Lien complémentaire à consulter :
Un partage d’Amélie Delmas, professeure d’espagnol,
Collège Jean Monnet, Lacapelle-Marival (46).