Niveau du CECRL : tous niveaux
Activités langagières dominantes : Elles peuvent toutes être envisagées
Déroulement/ Procédure :
- Pourquoi et comment organiser la classe en îlots ?
Enseigner une langue vivante, c’est permettre aux élèves d’échanger autant que possible, de dialoguer non seulement avec le professeur mais aussi de s’exercer en langue cible entre pairs. Si la relation duelle enseignant/élève n’est évidemment pas à proscrire, les échanges entre élèves doivent être privilégiés.
La disposition classique de la classe, consistant à placer les élèves par deux face au tableau, appelée communément « en autobus », ne favorise pas la circulation de la parole entre eux. C’est pourquoi le placement des tables en « O », en « U » ou, pour ce qui nous concerne en îlots, facilite les échanges dans la mesure où les élèves peuvent s’interpeller directement. Dans l’idéal, des tables individuelles permettent de varier facilement les modalités de travail : phase de réflexion individuelle, mise en activité en binômes, travail en groupes, placement propice aux débats, etc.
- Valoriser les talents de chacun pour les mettre au service de tous
Dans un premier temps, il semble pertinent de placer les élèves par affinités et à leur convenance dans chaque îlot (précisons d’ores et déjà que l’îlot n’est pas qu’un simple regroupement de tables, c’est une conception pédagogique). Afin de rendre le travail interactif efficace, les groupes sont construits en prenant en compte les considérations de R. ELLIS qui préconise un groupe de quatre élèves1. Il convient cependant de composer des îlots hétérogènes, tant sur le plan de la maîtrise de la langue cible, que dans le champ des compétences plus transversales comme la maîtrise des TICE et même le domaine du vivre ensemble.
Cette modalité de mise au travail permet à chaque membre de l’îlot de partager ses talents, de mettre à profit ses compétences au bénéfice du groupe ; elle rassure les élèves les plus fragiles dans leurs apprentissages et valorise les élèves les plus en facilité. Au service de tous, le travail en îlots favorise l’entraide et la mise en confiance : on observe moins de blocages chez les élèves qui disposent de plus d’ « espace » et donc de davantage de temps pour s'exprimer.
1. Cité par DAHM, Rebecca (2013), « Deuxième partie : cadre méthodologique et outils d'analyse » in Effets de l’introduction d’une approche plurielle fondée sur des langues inconnues sur le système didactique, 2013, p. 199.
- Mise en œuvre des activités au sein des îlots
Généralement, le travail en îlots s’organise à partir de trois modalités de travail principales, d’après les travaux de recherches de Sylvain CONNAC1 qu’il conviendra de présenter aux élèves avant une première activité pour qu’ils saisissent l’intérêt de la coopération (un débat peut être envisagé).
- A partir d’une tâche proposée, les élèves travaillent individuellement pour commencer. Ainsi, de manière autonome, chaque élève peut mesurer son degré de compréhension et sa capacité à réaliser seul ce qui est demandé.
- Dans un deuxième temps, dans chaque îlot, les élèves sont amenés à partager les résultats de leur travail. Ce temps d’échange et de coopération permet à chacun d’enrichir ses propres connaissances, de développer des stratégies métacognitives, de confronter ses idées à celles des autres et de prendre conscience de l’intérêt de la mutualisation, tant sur le plan cognitif que celui des stratégies mobilisées.
- Enfin, vient le temps de la mise en commun entre les différents îlots pour élaborer une synthèse commune : récapituler ce qu’il fallait retenir de l’activité menée, amender les productions de chaque îlot, préciser le contenu abordé et dissiper les éventuels malentendus.
Un outil numérique précieux permet de guider les élèves dans la réalisation des activités qui leur sont proposées : CLASSROOMSCREEN.
1. CONNAC, Sylvain, « Organiser la coopération des élèves pour prendre en compte leur diversité », conférence donnée à l’Université Paul Valéry le 30/08/2017 à Montpellier, fiche de travail 1 « Organiser le travail en groupe » : http://www.crdp-lyon.fr/podcast/pdfs/connac-organiser-la-cooperation-entre-eleves-fiche-1-travail-en-groupe.pdf.
- Classroomscreen : de quoi s’agit-il ?
Directement accessible en ligne https://www.classroomscreen.com/, ce site, simple d’utilisation et gratuit, ne nécessite pas de téléchargement. Il n’est pas nécessaire de disposer d’un compte pour s’y connecter.
Outil de gestion de cours, ClassroomScreen propose plusieurs fonctionnalités à disposition de l’utilisateur pour animer une séance et guider les élèves dans les activités proposées en classe sous forme de « tableau de bord » : gestion du temps et du niveau sonore, modalités de travail visées, possibilité d’écrire du texte ou de dessiner, accès facilité à des liens (QRCode), tirage au sort… L’ interface est disponible dans plus de 60 langues.
Un tutoriel, conçu par Elisa Gy, est disponible sur le Portail des langues de l’Académie de Versailles : cliquez ici https ://langues.ac-versailles.fr/spip.php ?article864
Nous présenterons ici les démarches pédagogiques facilitées par ce site.
- Usages et démarches pédagogiques visés
Guider les élèves et varier les modalités de travail
La fonction « Symboles de travail » permet d’indiquer le mode de travail envisagé : activité individuelle en silence, échanges discrets possibles, travail en binôme ou en équipe. Dans le cadre d’activités différenciées, il est possible de choisir deux modalités de travail concomitantes.
Aider les élèves à mieux gérer le temps
Les fonctions « Minuteur » et « Horloge » permettent de minuter les tâches à effectuer et d’entraîner les élèves à organiser un temps donné, notamment lors des activités en groupes.
Concrètement, s’affiche sur l’écran un sablier dont le temps est programmé par le professeur, auquel est associée une sonnerie qui retentit lorsque le temps est écoulé.
Il est possible d’ajouter du temps en cours d’activité si les élèves en ont besoin.
Cette fonction est également utile lors des évaluations : les élèves apprennent ainsi à mieux gérer le temps donné, grâce à l’affichage sur l’écran des minutes qui s’égrènent.
Répartir des rôles au hasard pour favoriser le travail en équipe
L’icône « Nom au hasard » permet de saisir une liste de prénoms (d’un groupe d’élèves, de toute une classe) puis de procéder au tirage au sort d’un des noms de la liste enregistrée. Attention : les listes s’effacent après chaque utilisation ; il faut penser à créer un document Word ou un fichier Texte Open Document avec la liste des élèves pour n’avoir à faire qu’un copier/coller par la suite.
On peut envisager cette option lors d’une reprise individuelle à l’oral ou pour répartir des rôles lors d’un travail collaboratif (animateur, gestionnaire, médiateur, secrétaire). Comme le précise Rebecca DAHM (« Deuxième partie : cadre méthodologique et outils d’analyse » Effets de l’introduction d’une approche plurielle fondée sur des langues inconnues sur le système didactique, 2013, p. 199) :
« L’animateur s’assure que tout le monde pousse la réflexion et pose les questions pour relancer la discussion. Le gestionnaire gère le temps et manipule l’enregistreur [le cas échéant]. Le médiateur s’assure que la parole est équitablement distribuée et que tout le monde participe. Finalement, le secrétaire reporte le résultat de la réflexion de groupe sur la fiche, une fois le consensus atteint. Lorsqu’il n’y a que trois membres, alors le médiateur devient animateur. Dans le groupe de cinq élèves, il y a deux animateurs. »
Plus-value pédagogique : les élèves perçoivent généralement mieux ce choix lié au hasard et dicté par une application plutôt qu’un tirage au choix effectué par une tierce personne, enseignant ou élève.
Donner des outils et des repères de travail aux élèves
Comme son nom l’indique, la fonction « Texte » permet d’afficher un texte que l’on tape directement ou de faire un copier/ coller de texte existant. On retrouve les fonctionnalités d’un traitement de textes classique : taille de la police, écriture en gras, en italique, etc.
Cette fonction permet de guider les élèves dans la réalisation d’une tâche en affichant la ou les consigne(s) de travail, en indiquant les outils mis à leur disposition…
La fonction « QR Code » permet de reporter l’URL d’un site et d’obtenir un QR code automatiquement généré que les élèves pourront flasher afin d’arriver très rapidement sur le site souhaité, sans écrire l’adresse du site ou se connecter à l’ENT.
Classroomscreen au service de la différenciation pédagogique
Le site permet de reporter des consignes différenciées. Sur la capture d’écran ci-dessous, deux groupes d’élèves travaillent simultanément des activités langagières différentes, avec des consignes et des documents distincts ; le temps imparti est le même pour les deux tâches.
Classroomscreen, un outil facilitant la gestion de classe
La fonction « Feu rouge » permet de donner le départ d’une activité et de réguler le niveau sonore. En effet, on peut relier un micro à l’ordinateur et le site (grâce à la fonction « Niveau sonore ») indiquera un feu rouge si le niveau sonore est trop élevé, feu vert si le niveau est convenable.
Classroomscreen au service de l’autonomie des élèves
Voici ci-après un exemple concret d’utilisation de ClassroomScreen en autonomie. Les élèves réalisent une activité de compréhension orale sur le site accessible à partir du QRCode pendant 10 minutes. En rappelant les consignes, en facilitant l’accès à un fichier et en précisant la modalité de travail, ainsi que le temps imparti, on vise l’autonomisation des élèves à travers ces repères.
- Comment favoriser l’entraide en îlots : le principe du tétra’aide
Pour gérer les îlots et répondre au mieux aux sollicitations des élèves, un simple gobelet en plastique, moins infantilisant que le tétra’aide sous forme de pyramide1, notamment pour les élèves de lycée, peut être proposé. Ce fonctionnement permet au professeur, d'un seul coup d'œil, de repérer les élèves qui ont besoin d'aide. Il permet également d'éviter qu'un certain nombre d'entre eux ne passent leur temps à lever la main, déconcentrant souvent leurs camarades dans leur travail en interpellant l'enseignant. Cela évite aussi que les élèves en demande d’aide ne se sentent « stigmatisés ». Enfin, cet outil favorise l’entraide entre les élèves d’un même îlot ou même au sein de la classe et, plus largement, la coopération entre pairs.
Le principe est très simple, chaque groupe possède un gobelet :
- Lorsque celui-ci est posé à l'endroit sur la table : cela signifie que tout le monde a bien compris l'activité et que le groupe peut fonctionner de manière autonome.
- Si le gobelet est à l'envers sur la table : cela signifie que le groupe ou l'un des élèves n'a pas compris, et qu'il a besoin de l'aide du professeur ou d’un autre élève.
- Enfin, si le gobelet est à l'endroit avec un stylo à l’intérieur : cela signifie que le groupe ou que l'un des élèves a seulement besoin d'un petit « coup de pouce ».
1. Ce fonctionnement s'est inspiré du dispositif créé par Bruce Demaugé-Bost en 2005, pour faciliter la demande d’aide, tout en favorisant l’autonomie: Le Tétra'aide. http://bdemauge.free.fr/tetraaide.pdf
- Les réserves éventuelles du travail en îlots
L’inconvénient majeur que peut apporter le travail en îlots, c'est la tentation pour certains élèves de se détourner de l'activité proposée pour bavarder avec leurs camarades, dans leur langue maternelle. Dans ce cas, le professeur intervient et invite les élèves à se recentrer sur le travail proposé.
Un autre désagrément possible est le niveau sonore engendré lors du temps de mutualisation au sein de l’îlot. Il faut accepter ce bruit « pédagogique », dans la limite du raisonnable, car il est le reflet des échanges entre élèves. « ClassroomScreen » peut servir à réguler le niveau sonore.
Il conviendra d’inciter les élèves à s’exprimer à tout moment dans la langue-cible.
- La plus-value pédagogique du travail en îlots
A travers les trois temps qui rythment l'activité du groupe, l'élève peut successivement :
- se rendre compte de ce qu'il sait faire.
- comparer ses réponses à celles de ses camarades (sans le « jugement » du professeur ou du groupe classe qui peut déstabiliser, voire bloquer certains élèves).
- échanger avec les autres îlots lors de la mise en commun.
Ce dernier temps de mutualisation, de collaboration et d'échanges, permet au professeur de faire entendre la voix de tous et d'enrichir le contenu du cours, tout en renforçant la cohésion du groupe car chacun peut, en toute confiance, apporter sa pierre à l'édifice.
Cette organisation améliore la qualité et l'efficacité du travail réalisé par les élèves car l'élève se retrouve au cœur de ses apprentissages. Il n'est pas dans une attitude passive, puisqu'il s'investit dans son groupe : il y est acteur et non pas spectateur.
Le climat de classe est convivial, rassurant et serein ; les applications liées à Classroomscreen sont d'une aide précieuse et les élèves se prennent au jeu.
D'autre part, cette modalité de mise au travail, permet d'avoir un rapport privilégié avec les élèves et de répondre au mieux à leurs besoins et à leurs sollicitations. En effet, ce fonctionnement dégage du temps pour le professeur qui devient facilitateur-médiateur, adoptant une posture d’accompagnement (présentation des postures enseignantes développées par Dominique BUCHETON à retrouver ici / document Eduscol) : ce dernier peut donc se consacrer aux élèves qui ont besoin d'une attention et d'un étayage particuliers. L'enseignant peut ainsi circuler librement de groupe en groupe et être beaucoup plus accessible et disponible pour tous les élèves.
Enfin, les élèves peuvent aussi être des atouts indispensables au sein des îlots en venant en aide à leurs camarades. Cette aide peut être parfois plus rassurante que celle apportée par le professeur lui-même, tant au niveau cognitif que métacognitif.
L'objectif de cette mise au travail en îlots est de favoriser l'esprit de collaboration, de coopération et de socialisation pour que chaque élève trouve sa place et donne du sens à ses apprentissages.
La citation de Sylvain Connac, à propos du travail de synthèse mené par C. Reverdy, illustre les bienfaits de l'approche collaborative et du travail en équipe (Sylvain Connac, La coopération entre élèves, Réseau Canopé, Coll. Eclairer, 2108):
« Pour expliquer ces bénéfices, Catherine Reverdy présente une synthèse des études sur les effets comparés de trois modalités de mise au travail des élèves : individualiste, compétitive, coopérative. Il apparaît que, quelle que soit la discipline, l’âge des élèves et la tâche demandée, l’approche coopérative est la plus efficace des trois : sur la réussite scolaire, sur la socialisation, sur la motivation et sur le développement des élèves ».
Objectifs principaux : présenter des modalités de travail en îlots (déroulement, finalités, etc.), ainsi qu’un outil numérique facilitant la coopération des élèves
Modalités de différenciation : travail en groupes
Évaluation : L’outil CLASSROOMSCREEN peut être utilisé lors d’une évaluation
Bibliographie / Sitographie :
- Sylvain CONNAC, La coopération entre élèves, Réseau Canopé, Coll. Eclairer, 2108
- Dominique BUCHETON, Les postures enseignantes, Eduscol, mars 2016 (https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Francais/67/5/RA16_C3_FRA_1_oral_pratique_postures_enseignantes_573675.pdf)
- Thèse de Rebecca DAHM, Effets de l’introduction d’une approche plurielle fondée sur des langues inconnues sur le système didactique, 2013 (https://hal-univ-tlse2.archives-ouvertes.fr/tel-01915692/document).
Article proposé par Virginie NADAL-MEMBRADO, professeure Lettres-Espagnol, Lycée des Métiers Hôteliers Quercy-Périgord (Souillac, 46) et Amélie DELMAS, professeure d’espagnol, Collège Jean Monnet (Lacapelle-Marival, 46).