Une entrée dans l'usage des images satellite: La Charte internationale Espace et Catastrophes Majeures
Le 3 décembre 2023, le volcan Marapi entre en éruption en Indonésie. Le 18 novembre, des inondations menacent les populations de la vallée du Rio grande do Sul. Le lendemain, le 17 novembre, une tempête frappe Haïti.
Comme en cette fin d'année 2023, les sociétés humaines sont régulièrement impactées par des catastrophes majeures. Avec le dérèglement climatique lié au réchauffement, ces phénomènes sont appelés à se multiplier et à gagner en intensité.
C'est dans le contexte de cette prise de conscience qu'en 1999 a été signée la Charte internationale Espace et Catastrophes Majeures. Née de la coopération du CNES et de l'ESA (l'Agence Spatiale Européenne) et désormais enrichie de la participation d'exploitants de système spatiaux du monde entier, la Charte permet la mise à disposition d'images satellitaires pour prévenir, surveiller et intervenir dans les 10 jours après la manifestation d'une catastrophe. Lorsqu'elle est activée les différents acteurs du secteur spatial se mobilisent pour fournir les données nécessaires à la gestion de la catastrophe en cours aux acteurs directement engagés dans la gestion de la crise ciblée.
L'image satellite: un outil mis à la disposition de la communauté éducative
Notre vision du monde se trouve sans conteste renouvelée par le "regard" du satellite. Elle diffère de la photographie aérienne et de la carte topographique tout en paraissant les intégrer. Elle apporte deux éléments nouveaux par la masse des informations d'une ampleur inimaginable et par la dimension spatiale avec emboîtement d'échelle qui est en fait un outil spécifiquement géographique.
Cet autre "regard" sur le monde participe à la formation intellectuelle des enfants en proposant de nouvelles attitudes, de nouvelles habilités dans les approches de la connaissance.
Malgré un intérêt pédagogique identifié dès les années 80, il y a encore une quinzaine d'années, les images satellite étaient difficiles d'accès, tant pour des raisons géopolitiques que techniques.
En France, le géographe Laurent Carroué, dans le cadre de sa mission d'inspection générale d'histoire-géographie, développe le partenariat avec le CNES. Il existe alors un souhait institutionnel à l'échelle académique et nationale de permettre et faciliter l'utilisation de l'image satellite par les enseignants. De cette démarche de synergie entre le monde de l'éducation et le CNES (Centre National d’Études Spatiales, basé à Toulouse) est né Geoimage. Présenté au FIG (Festival international de Géographie) de Saint-Diè-des Vosges en 2018, ce site internet propose des ressources exploitables par les professeurs souhaitant les intégrer à leurs démarches d'enseignement en classe, et ce au bénéfice direct des élèves. De nombreuses ressources de préparation de cours sont notamment disponibles en activant l'onglet "Dossiers par programmes scolaires".
S'il est bien évident que l'image satellite se prête tout particulièrement à l'enseignement de la géographie. son usage est parfaitement légitime en histoire de par l'apport qui peut être le sien sur des thématiques aussi vives que les tensions issues de la décolonisation, l'affirmation de la puissance chinoise en mer de Chine ou les nouveaux rapports de force. Une photo satellite comme celle du panache de fumée vu depuis l'espace le jour même des attentats du 11 septembre n'est-il pas un support qui permet d'éclairer l'impact de cet événement, de lui donner cette dimension planétaire qu'ont tous les phénomènes observables depuis l'espace ?
En 2021, toujours au FIG, Laurent Carroué (inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche) et Fabien Vergez (IA- IPR de l'académie de Toulouse) ont réitéré l'invitation des enseignants à mobiliser les images satellite pour enseigner l'histoire-géographie.
C'est qu'il s'agissait alors, et il s'agit toujours, de rappeler que ces images peuvent en effet être utilisées comme des outils didactiques. Intégrées à des situations d’enseignement et d’apprentissage, elles permettent de saisir les enjeux et dynamiques environnementales, sociales, économiques et géostratégiques des espaces approchés. L’observation de ces espaces depuis l’espace participe ainsi à enrichir la vision du monde des élèves, que ce soit au travers de démarches géographiques ou de mises en perspective de l'histoire. Il suffit pour s'en convaincre d'effectuer une recherche sur le site GeoImage avec les mots-clés "mer de Chine".
Un exemple concret de mise en oeuvre en géographie: enseigner les risques
Delphine Poques est enseignante en lycée professionnel. Elle a investi la question des images satellite afin d'enrichir son enseignement et de développer de nouvelles démarches didactiques. Dans le cadre du Lab Numérique du FIG 2023, elle a présenté une séance intégrée à une séquence de terminale sur " Les sociétés et les risques : anticiper, réagir, se coordonner et s'adapter ".
L'enseignant qui souhaiterait s'emparer de cette question pourrait aussi avantageusement mobiliser l'éducation aux médias et à l'information (EMI) afin de souligner les limites du traitement médiatique d'une catastrophe. En effet, si elles sont effectivement utilisées par les médias, les photos satellite n'apportent guère plus qu'une photographie aérienne. Il est alors intéressant de mettre les élèves en situation de questionner le document et d'en identifier les limites, notamment celle d'une l'image cantonnée à une rôle illustratif "avant/après".
Il est à noter ici que les possibilités techniques offertes par l'imagerie satellite sont nombreuses, et si elles nécessitent un temps de pris en main cela ne doit pas freiner leur usage car les sites qui les mettent à disposition ont su se rendre intuitifs en présentant des interfaces accessibles et de plus en plus faciles à investir.
Diverses pistes de mise en application de cette démarche sur d'autres thèmes
Depuis Geoconfluences
Le site internet de la publication Géoconfluences donne de nombreuses pistes de démarches didactiques.
Dans un article sur l'utilisation des images satellite, le site renvoie à des démarches construites et mises à disposition par Gwenaël Régnier sur son site IMGSat.
Il y mobilise de façon très complète une démarche d'analyse au travers de corpus intégrant des images satellite. Le travail de réflexion proposé nécessite ainsi une approche multiscalaire sur des enjeux souvent contradictoires.
C'est par exemple le cas dans cette séquence sur l'implantation et le développement du camp de réfugiés de Zaatari. (en savoir plus)
Depuis GeoImage
Le site Geoimage propose des dossiers thématiques. Voici une petite sélection des dossiers exploitables, par niveau et par thèmes, dans le cadre des programmes de Bac Pro.
Classe de seconde
- Thème 1 de géographie: Des réseaux de production et d'échanges mondialisés
L’or, une ressource essentielle à l’industrie numérique (à intégrer à une séance)
https://geoimage.cnes.fr/fr/bresil-la-province-minerale-carajas-18-milliards-de-tonnes-de-fer
- Thème 2 de géographie : Une circulation croissante et diverse des personnes à l'échelle mondiale
Un projet d’aménagement en Indonésie
- Thème 2 d’histoire : L’Amérique et l’Europe en révolution
Saint-Domingue, les traces de la colonisation
Classe de première
- Thème 2 de géographie: L’Afrique, un continent en recomposition
Egypte : le barrage de la renaissance
Classe de terminale
- Thème 1 de géographie: L’accès aux ressources pour produire, consommer, se loger et se déplacer Politiques publiques et défis mondiaux
Front minier et déforestation
- Thème 1 d’histoire : Le jeu des puissances dans les relations internationales depuis 1945
Les zones de tensions : la Mer de Chine
- Thème 2 de géographie: Les sociétés et les risques : anticiper, réagir, se coordonner et s’adapter
Mondialisation et marées noires
https://www.esa.int/Space_in_Member_States/France/Propagation_de_la_maree_noire
Prolongement possible
- Le concours carto Géoimage