Interpréter collectivement

La construction collective du sens et la communauté interprétative

 

Anne Vibert : Favoriser la constitution d'une communauté interprétative

Anne Vibert, préface, Vers un enseignement de la lecture littéraire au lycée : Expérimentations et réflexions, 2013

Il faut se donner le temps de mettre en place un nouveau rapport entre les lecteurs ou les spectateurs et l'œuvre. C'est à cette condition que se construira ensuite une autre lecture, enrichie des échanges intersubjectifs et des apports de l'enseignant, eux-mêmes appelés par les questionnements des élèves. Car défendre les approches subjectives de la lecture ne signifie pas pour autant renoncer à former un lecteur capable d'une analyse distanciée, et ce n'est pas davantage laisser chacun en tête à tête avec sa lecture singulière mais au contraire provoquer des échanges entre les lecteurs et adopter une démarche d'interprétation collaborative qui fasse mieux se confronter les différentes lectures. Et quel lieu mieux que la classe pourrait favoriser la constitution d'une communauté interprétative ?

 

Sylviane Ahr: Du dialogue intérieur à un dialogue avec une communauté de lecteurs

Sylviane Ahr, L’enseignement de la littérature aux cycles 3 et 4 : quelles orientations pour quels enjeux ? (contribution aux travaux des groupes d’élaboration des projets de programmes C2, C3, C4 (octobre 2014)

Deux postures caractérisent le processus transactionnel : l’une, dite « esthétique », qui privilégie les impressions et les souvenirs de lecture, les réactions spontanées et de natures diverses, en d’autres termes, la subjectivité du lecteur ; l’autre, dite « efférente », qui vise à reprendre ses premières réactions pour en discuter et élargir son interprétation, ce qui favorise la mise à distance de la réception empirique du texte. Dans le premier cas est favorisé un échange entre le lecteur et le texte ; dans le second, un échange entre le lecteur et les autres lecteurs du texte. On passe ainsi d’un dialogue intérieur à un dialogue avec une communauté de lecteurs, des « transactions subjectives » du lecteur aux interactions sociales, et inversement. Il s’agit bien là d’un processus dialectique entre une réception subjective du texte et une objectivation de cette réception que permettent des échanges intersubjectifs. Le lecteur compétent est capable d’alterner et de combiner ces deux postures, d’opérer ce mouvement de va-et-vient entre ses réactions premières au texte, qui sont d’ordre psychoaffectif, émotionnel, esthétique, axiologique…, et une appréhension plus distanciée de cette lecture empathique. Ce va-et-vient n’est possible que si l’on ménage un espace où la voix du sujet lecteur est autorisée à se faire entendre et à se nourrir de celle de ses pairs, le texte et les droits du texte délimitant cet espace.