« En près de trente ans d’exercice, j’ai été le réceptacle de toutes les frustrations du monde arabe. »
Le roman s’ouvre vers un ailleurs qui n’a pas de nom, vers l’ici de Nour, au cœur d’un pays qui vit les débuts du printemps arabe, d’une révolution qui germe.
En faisant de Nour l’héroïne de son roman, Rachid Benzine choisit un prisme qui pourrait paraître déroutant mais la révolution ne peut venir que des opprimés et des marginaux. Nour est une exclue, de mère en fille. Fille de prostituée, elle l’est devenue à l’âge de 12 ans et elle reçoit, dans son studio des hommes, emplis de violence, de mensonges, d’hypocrisie.
Nour, c’est le corps et l’âme de ce pays qui ne dit pas son nom, c’est le corps colonisé par les hommes comme l’a été son pays, Nour, c’est aussi la lutte pour que sa fille, Selma, échappe à la terrible destinée qui s’est abattue sur elle. Nour, c’est la lumière.
A travers elle, nous vivons les trois temps du printemps arabe, de sa montée en tension à sa réalisation dans la liesse et l’espoir qui ne laisseront la place qu’à la désillusion, aux « lendemains qui déchantent » et au retour à l’ancien ordre – en pire. C’est aussi le roman miroir d’une société où le patriarcat règne en maître, où la femme n’est rien, si ce n’est un corps soumis aux désirs des hommes. Dans les yeux du ciel est une réflexion percutante sur les sociétés arabes, leurs paradoxes, leurs désirs mais aussi leur réalité faite de violence et de poésie.
Émilie