Le titre du roman porte le nom d’un État américain, mais la fresque sociale qu’il propose dépasse largement ses frontières. Il offre en effet, à travers le point de vue de quatre anciens camarades de lycée, une radiographie de l’Amérique profonde au début du XXIe siècle.
Stephen Markley, nous livre une histoire dont les protagonistes, lycéens en 2001, apparaissent près de vingt ans plus tard, marqués par la violence des engagements militaires de leur pays. Ils sont aussi traversés par les contradictions d’une société prisonnière de valeurs qui semblent pour certaines désuètes, voire archaïques, quand d’autres sont tout simplement rétrogrades. Le tableau de la société dans laquelle évolue cette jeunesse désemparée est brossé par un jeune auteur, dont ce premier roman emprunte, selon moi, à Steinbeck pour son énergie désenchantée et à Dos Passos pour son audace stylistique. L’image qu’il nous offre de la société américaine est à des années-lumière de celle que nous renvoient les médias new-yorkais, à travers leurs shows cosmopolites, ouverts sur le monde et tolérants. Elle permet cependant de mieux comprendre les failles sociales qui fracturent les États-Unis, exacerbées et mises en lumière par le trumpisme de ces dernières années. Au-delà de la fresque sociale qu’il brosse magistralement, Stephen Markley nous emporte dans une histoire singulière, dont les pans s’articulent selon un kaléidoscope narratif parfaitement réglé. Une lecture passionnante donc, que je conseille à toutes celles et tous ceux qui apprécient les romans noirs et les romans sociaux, car avec Ohio, Stephen Markley renouvelle magistralement ces deux genres.
Jean Charles