Pistes pour bien différencier en cours de langue

Retrouvez des repères et des exemples de différenciation en langue vivante.

Article rédigé par Estelle Loubet

NB : si les recommandations valent pour le collège et le lycée, les exemples figurant dans cet article concernent actuellement uniquement des situations d’enseignement en collège.

Qu'est-ce que la différenciation pédagogique?

Selon Halina Przesmycki, la pédagogie différenciée « met en œuvre un cadre souple où les apprentissages sont suffisamment explicités et diversifiés pour que les élèves apprennent selon leurs propres itinéraires d’appropriation tout en restant dans une démarche collective d'enseignement des savoirs et savoir-faire communs exigés. »

Selon Philippe Perrenoud, « Différencier, c'est rompre avec la pédagogie frontale, la même leçon, les mêmes exercices pour tous ; c'est surtout mettre en place une organisation du travail et des dispositifs qui placent régulièrement chacun, chacune dans une situation optimale. Cette organisation consiste à utiliser toutes les ressources disponibles, à jouer sur tous les paramètres, pour organiser les activités de telle sorte que chaque élève soit constamment ou du moins très souvent confronté aux situations didactiques les plus fécondes pour lui. »

Selon Philippe Meirieu, « Différencier, c’est avoir le souci de la personne sans renoncer à celui de la collectivité…être en quête d’une médiation toujours plus efficace entre l’élève et le savoir… C’est pourquoi, il ne faut pas parler de la « pédagogie différenciée » comme d’un nouveau système pédagogique, mais bien plutôt comme d’une dynamique à insuffler à tout acte pédagogique…un moment nécessaire dans tout enseignement… celui où s’insinue la personne dans le système… ».

Selon Carol Ann Tomlinson, «La différenciation est une approche organisée, souple et proactive qui permet d’ajuster l’enseignement et l’apprentissage pour atteindre tous les élèves et surtout pour leur permettre comme apprenants de progresser au maximum".

 

Pourquoi différencier?

Pour répondre aux besoins des élèves qui n'apprennent pas de la même façon et qui sont tous différents (langue, culture, éducation reçue, acquis scolaires, expériences vécues, capacités intrinsèques, motivation...).

Sylvain Connac précise que la différenciation pédagogique “commence en fait par le refus de l’indifférence aux différences.”

Pour permettre à tous de progresser dans une prise en compte de l’hétérogénéité, celle-ci étant source de richesse cognitive - dans la diversité des profils apprenants - et sociale, dans un souci d’éducation à la tolérance et à la citoyenneté. 

 

Comment différencier?  

Comme le soulignent les conclusions de la conférence du Cnesco et l’Ifé / ENS de Lyon "Différenciation pédagogique : comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves ?" qui a eu lieu en mars 2017, "il n’existe pas une seule « recette pédagogique » efficace, mais un panel de pratiques pédagogiques que l’enseignant doit être en mesure d’adapter aux situations d’apprentissage et aux élèves."

 Cinq principes apparaissent dans les conclusions de la conférence:

 - Avoir des attentes scolaires élevées pour tous. Il est important d’avoir le même niveau d’exigence pour tous même si les parcours pour atteindre les objectifs communs seront différents;

- Organiser l'enseignement individualisé pour tous les élèves et non pour les seuls élèves en difficulté. La différenciation s’adresse à tous les élèves d’une même classe par la prise en compte de l’hétérogénéité;

- Formuler des objectifs précis et à court terme pour donner du sens aux apprentissages et permettre à l’élève de situer sa progression par rapport aux objectifs visés;

- Mettre en place des feedbacks régulièrement. Les (auto) évaluations formatives et formatrices permettent de mettre en oeuvre des stratégies de remédiation et de régulation portant sur la transmission des savoirs;

- Maintenir des temps d'enseignement collectifs en classe entière importants. C’est par les interactions que l’hétérogénéité s’exprime et que l’élève apprend par et avec ses pairs.

 

Même si la prise en compte de chaque individu est centrale dans la différenciation, elle n’induit pas une approche individuelle mais il s'agit davantage d’accompagner l’individu au sein d’un collectif.

Il s’agit de proposer, en plus de la différenciation a posteriori (remédiation), une différenciation à priori qui propose aux élèves des chemins différents vers un projet pédagogique qui est le même pour tous.

Sylvain Connac parle de “personnalisation des apprentissages” comme d’une structure didactique qui va permettre à chaque apprenant de s’intégrer dans un contexte de classe par une structuration différente du travail mise en place par les enseignants (aide, entraide, tutorat, travail en groupe, plan de travail…). Dans ce cas, le collectif est important au service de tous.

 

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Dans la pratique?

La différenciation pédagogique peut prendre différentes formes en fonction des besoins des élèves et du projet pédagogique.

 Différencier, c'est varier, adapter, moduler…

- les supports   

- les tâches    

- les outils

- les consignes

- l'espace

- les conditions d'apprentissage

- le temps

- l'évaluation

Des conseils à suivre… Des écueils à éviter…

  • Proposer des aides que l’élève choisit d’utiliser ou non. 

L’autonomie de l’élève peut être développée par des entraînements réguliers, des évaluations formatives et des auto-évaluations fréquentes, des guidages progressifs. Ainsi, l’élève prendra petit à petit conscience de ses acquis, du chemin à parcourir pour la réalisation d’une tâche, de ses processus d’apprentissages, de son style cognitif, de son rythme de travail. En étant en mesure d’opérer des choix pertinents pour lui-même en fonction de ses besoins, l’élève devient acteur de ses apprentissages.

  • Varier les dispositifs et formes de travail.

Les activités proposées doivent être structurées et les élèves préparés à la réaliser. Les obstacles doivent être levés en amont et le cadrage de l’activité doit être explicite:  travail individuel préalable au travail de groupe, rôles bien définis, objectifs clairs, consignes comprises, minutage…

  • Eviter les dispositifs trop lourds à gérer en classe, trop complexes à mettre en place ou à expliquer en langue cible.

Même si la pédagogie explicite et la métacognition ont toute leur place dans un cours de langue vivante, la quasi-totalité du cours se doit d’être conduite en langue cible. Une séance particulière pour préparer à l’utilisation d’outils TICE ou de dispositifs spécifiques peut tout à fait être envisagée en langue cible de façon à éviter un recours trop systématique au français.

  • Travailler pour tous, pas uniquement pour les moins avancés. 
  • Éviter de systématiquement donner les tâches les plus faciles aux élèves en difficulté. Différencier c’est plutôt varier le guidage ou les ressources mises à disposition. De la même manière, différencier ne signifie pas un “morcellement” des compétences, les plus simples devant être maîtrisées par les élèves en difficulté et les plus complexes étant maitrisées par les élèves les plus à l’aise ou performants.

 

Des ouvrages à lire… Des sites à consulter…

  • A l’écoute chaque élève (Canada) : partie 1 - partie 2
  • Conférence de consensus : "Différenciation pédagogique : comment adapter l'enseignement pour la réussite de tous les élèves ?" (mars 2017). Cnesco -  l'Ifé / ENS de Lyon
  • Conférence : L'accompagnement pédagogique au cœur de la réforme : la différenciation, apprendre à apprendre - regards croisés
  • Apprendre à apprendre, Jean-Michel Zakhartchouk, ed.Canopé, 2015.
  • La personnalisation des apprentissages, Sylvain Connac, ed.ESF, 2017.