Entrer dans l'explication linéaire par l'image
Travail mené à partir d'un extrait d'A la Recherche du temps perdu, de Marcel Proust
Amélie PINÇON, professeure de Lettres au lycée Ozenne à Toulouse et formatrice académique
Présentation de la séance
Extrait étudié : Une journée de printemps, « Sodome et Gomorrhe », A la recherche du temps perdu, Marcel Proust
Niveau : Première générale ou technologique
Œuvre au programme : Sido suivi de Les Vrilles de la vigne, Colette
Parcours associé : La célébration du monde
Objectifs littéraires et didactiques de la séance :
- Mettre en perspective un texte et un tableau pour ...
- Travailler la dimension picturale de l’écriture proustienne et la manière dont le narrateur rend compte de sa sensibilité face au monde et ce afin ...
- D’approfondir le sens du terme « célébration » présent dans l’intitulé du parcours associé.
Cet article correspond à la feuille de route du professeur.
1. Le regard du peintre
1.1. Observation du tableau "Effet de printemps" de Claude Monet
Effet de printemps, Giverny, 1890 (100 X 60), Monet
Activités :
- Quelles émotions pouvez-vous ressentir en observant ce tableau ?
- A votre avis, quelles techniques picturales ont été utilisées pour créer cet « effet de printemps » ?
Trace écrite :
Prise de notes des éléments de réponse apportés par les élèves :
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Activité :
- Comment comprenez-vous le titre qui a été choisi par Monet ?
Trace écrite co-construite avec les élèves :
Monet n’a pas choisi d’appeler son tableau Printemps mais Effet de printemps. Le nom « effet » montre qu’il ne peint peut-être pas directement une saison mais les effets que cette saison lui procure. Il cherche ainsi, par la peinture, à être le plus proche possible des impressions que le printemps peut susciter. |
1.2. L’impressionnisme : rendre compte de ses impressions
Activités :
- Prolongement artistique et culturel sur l’impressionnisme : brève vidéo de présentation à montrer aux élèves // activité de prise de notes.
- Un extrait de Debussy est alors écouté, par exemple La Mer. Les élèves ferment les yeux et imaginent un paysage. Le nom de la pièce est donné ensuite.
- Le professeur pose la question : Comment Debussy parvient-il à célébrer la mer ?
1.3. Du tableau de Monet au texte de Proust
L’extrait à étudier est distribué et lu par le professeur.
Dans cet extrait, le narrateur proustien se souvient d’un séjour avec sa grand-mère qui est depuis décédée. Il refait cette promenade.
Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, Deuxième partie, chapitre 1, « Sodome et Gomorrhe », 1906-1922 |
Activités :
- Choisissez une phase tirée du texte de Proust qui aurait pu être le titre du tableau de Monet ;
- La citation retenue peut être écrite au début de la séance et lui sert de titre ;
- Analyse « à la loupe » de la citation choisie.
Le choix de la citation permet de faire une analyse « à la loupe » du fragment de texte choisi par les élèves. Le professeur inscrit la phrase au tableau et leur demande de « faire toutes les remarques sur… » Les élèves ont presque tous choisi « Ce fut un éblouissement » ou « c’était une journée de printemps ».
Analyse à la loupe :
- phrase atypique (GMF) : phrase à présentatif : présentatif + GN. Présentatif en ce fut / c’était
- « une journée de printemps » : CDN (extension du GN)
- temps du verbe : « fut » passé simple : marque un moment précis et borné // « était » imparfait (imparfait de description, dans la durée, non borné)
- « éblouissement » : donner la classe grammaticale puis revenir sur la construction du substantif
- rythme du fragment de la phrase : 8 syllabes → octosyllabe blanc
2. La scène des pommiers au printemps : une célébration de la nature
2.1. Une description picturale
Activité :
- Ecrire autour du texte : relevez toutes les expressions qui montrent que Proust travaille sa description comme un tableau.
Eléments de réponse envisagés :
- Lexique du tableau : « comme un arrière-plan d’estampe japonaise » (comparaison) / « comme si c’eût été un amateur d’exotisme et de couleurs qui avait artificiellement créé cette beauté vivante » : insiste sur dimension artificielle (qui s’oppose à naturelle) / « effets d’art raffiné »
- Recours aux couleurs : « bleu rasséréné » (= calme, apaisé), « presque « violent » : opposition entre « rasséréné » et « violent » + personnification de la couleur bleue
- Les couleurs et les formes : les fleurs qui s’écartent pour laisser voir le ciel / les pommiers comme des paysans / grande route de France (ligne horizontale) / verbes PS « zébrèrent » + « dresser » → proposer éventuellement aux élèves de faire une esquisse du tableau
- Une toile impressionniste ? des touches de couleur + « une brise légère faisait trembler légèrement les bouquets rougissants » // technique impressionniste (effet de flou VS netteté des réalistes). Ce dernier point permet de faire le lien avec la toile de Monet mais aussi avec la sous-partie suivante.
2.2. Rendre compte des « impressions » de Proust
Activité :
- Quelles sont les « impressions » de Proust dans cet extrait ? Répondez à cette question dans un paragraphe argumenté en n’oubliant pas de faire le lien avec l’intitulé du parcours : « la célébration du monde ».
Eléments de réponse possibles :
- Idée de célébration / émerveillement
- Construction syntaxique des phrases : longues phrases qui participent de cet enthousiasme. Travail sur la prosodie.
- Terme de « paradis » renvoie à la célébration mais ici dimension païenne du paradis qui est bien sur terre
- « luxe inouï » : qui n’a jamais été entendu. Revenir sur la construction du terme
- Hyperbole avec superlatif : « le plus merveilleux satin rose qu’on eût jamais vu » (+ subj plus que parfait) + « jamais » a le sens ici de « un jour ».
- Force de l’éblouissement car la beauté « touchait jusqu’aux larmes ». Non des larmes de tristesse mais des larmes face à la beauté. → choc esthétique
2.3. Une réflexion sur le temps
Cours dialogué :
Retour à la comparaison avec le tableau de Monet : que peut exprimer l’écriture que ne peut pas la peinture ?
Le changement du temps… Le texte donne à lire une réflexion sur le temps (cf le titre ALRDTP). C’est à ce moment-là qu’on peut faire quelques apports pour l’introduction et la présentation de l’œuvre.
- le temps d’avant avec la grand-mère : subordonnée circonstancielle de temps « quand nous allions nous promener » / « jadis »
- le temps qui change (fin du texte) avec adverbe « puis ».
Bilan : vers l’explication linéaire
Mouvements du texte :
On demande alors aux élèves de dégager les mouvements du texte en leur donnant un titre :
- ligne 1 à 5 : évocation du souvenir d’une promenade avec la grand’-mère
- ligne 5 à 15 (→ « beauté vivante ») : la description d’un « éblouissement »
- ligne 15 à fin : une beauté naturelle et changeante, au gré du temps
Projet de lecture :
On demande ensuite aux élèves de rédiger un projet de lecture. Plusieurs projets sont possibles, le professeur peut les lister au tableau.
Problématique du professeur :
L’écriture permet-elle de saisir le « temps perdu » et la beauté du monde ?