Encourager l’engagement lors des débats en langues vivantes grâce à un jeu de discussion structurant
Cet article présente une activité pédagogique pensée pour dynamiser les débats en langues vivantes au collège et au lycée. À partir d’un ensemble de cartes structurantes, rassurantes et stimulantes, les élèves s’engagent activement dans les échanges d’idées, tout en développant leurs compétences langagières et sociales.
1. Genèse du projet
Cette activité a été mise en place suite à des débats organisés en cours d’espagnol. Pour améliorer leur efficacité, il fallait résoudre une problématique principale : engager l’ensemble des élèves dans un débat à la fois efficace et exigeant. La perspective ludique de cette activité favoriserait aussi l’envie de s’engager dans le débat, l’objectif de son utilisation étant une meilleure répartition de la parole et la fluidité des échanges chez les participants.
2. Objectifs pédagogiques
Ce jeu de discussion structure les prises de parole et la participation active des élèves à un débat en langues vivantes étrangères en intégrant des rôles précis, en favorisant l’interaction structurée et en leur permettant de varier leurs interventions. Ces cartes donnent aussi un rôle aux élèves observateurs, qui, dans un premier temps, n’interviennent pas oralement dans les échanges.
Les objectifs pédagogiques visent à développer l’écoute active, la prise de parole en interaction en langue étrangère, les techniques d’argumentation et la structuration de la pensée, tout en favorisant une réflexion critique et démocratique.
3. Mise en oeuvre pédagogique
- Public visé : élèves de collège ou de lycée. Idéalement, 6/8 participants actifs maximum, qui prennent part au débat, pour pouvoir laisser la parole à chaque élève de façon signifiante ; 10/12 personnes dans les rôles annexes d’animation.
Alternative pour envisager sa mise en œuvre dans une classe plus chargée : proposer des binômes voire des trinômes pour les rôles annexes, ce qui favorise aussi le travail collaboratif à travers la concertation, le croisement des regards et la recherche de compromis.
- Peu de matériel est nécessaire : impression des cartes proposées, adaptation des commentaires en fonction de la langue cible.
- Temps : entre 15 et 30 minutes, à moduler en fonction du niveau du CECRL visé, du contenu du débat et du degré d’approfondissement du travail préparatoire demandé aux élèves.
- Espace : regroupement de chaises de forme circulaire favorisant une écoute mutuelle, un engagement actif et une vision globale afin de mieux accueillir tous les points de vue ; utilisation d’éléments modulaires s’ils existent (assises confortables par exemple).
- Modalités de travail : l’enseignant adopte ici une posture d’observateur, même s’il reste le gardien du cadre de travail et de la méthode qu’il aura expliqués en amont. C’est lui qui anime les échanges lors d’une première prise en main, en rappelant les objectifs de ce jeu et ses modalités, notamment l’attribution d’un rôle à chacun·e, celui d’un participant direct ou un rôle d’animation.
- Proposition pédagogique : des cartes dont l’usage peut être modulé selon le projet visé, le niveau des élèves et l’effectif du groupe envisagé.
4. Description des cartes et des rôles
Deux groupes d’élèves sont proposés, des intervenants - acteurs directs du débat - et des animateurs-spectateurs.
Intervenants ou participants au débat d’idées :
Plusieurs cartes, deux ou trois de chaque catégorie, leur sont remises avec pour objectifs d’éviter les interventions trop longues, d’homogénéiser les échanges et de varier la nature des productions orales :
- Carte « j’ai un argument » : expliquer une thèse, une opinion que l’on souhaite soumettre aux autres participants.
- Carte « je contredis une idée » : proposer un contre-argument, réfuter, apporter des éléments contraires à ce qui a été énoncé.
- Carte « j’ai une question » : incite à poser des questions, dynamise le débat. L’élève qui y répond en retire un bénéfice pédagogique d’auto-réflexion dans la mesure où il/ elle doit expliciter sa pensée à d’autres camarades.
- Carte « je défends une opinion » : soutenir une idée déjà formulée par un autre participant en développant l’argumentaire proposé.
- Carte « j’ai besoin d’aide » : pour solliciter un coup de pouce, une aide ponctuelle (un argument, un exemple à expliquer…), qui peuvent être donnés par le professeur ou un animateur, le facilitateur notamment.
- Carte « j’ai besoin d’une pause » : pour quitter le débat momentanément, demander un temps de repos, se faire rappeler les règles.
L’enseignant peut ajouter une carte « Idea » au cours du débat qu’il utilise pour proposer lui-même un argument, une phrase ou une citation pour faire réagir les élèves, relancer ou alimenter le débat, sans intervenir directement.
Rôles d’animation
modérateur : distribue la parole, sollicite les élèves qui interviennent peu ou pas, recadre les individualités ou le groupe si besoin, peut imposer une pause ou même interrompre le débat si besoin ou, en cas de non respect des règles par exemple.
Des cartes d’ avertissements sont prévues ; au bout de trois, le joueur est exclu de l’activité.facilitateur : intervient quand il le souhaite mais uniquement pour alimenter le débat en posant des questions aux participants, questionne pour préciser la réflexion, ramène au sujet si besoin ; exemples de questions posées : peux-tu expliquer la signification du mot que tu viens d’employer, peux-tu donner des exemples de ton (contre-)argument, peux-tu reformuler ton idée ou ton avis… Le professeur peut aussi donner des pistes de relance au facilitateur.
Pour aider le facilitateur à assumer son rôle, on peut lui distribuer quelques cartes « aides » qui lui donneront des idées de questions à poser aux participants pour approfondir la réflexion.
Exemples de cartes « aides » pour développer une idée, à soumettre aux facilitateurs mais aussi aux participants et aux souffleurs : définition, exemple, contre-exemple, reformulation, comparaison, cause, conséquence…gardien du temps : annonce la durée totale du débat et la durée maximale des interventions, le début de la discussion, cadre les interventions trop longues, fait des rappels des temps forts (à mi-parcours, puis 10 et 5 minutes avant la fin) mais sans intervenir pour ne pas couper la parole ou le fil du débat : des cartes temps sont prévues à cet effet.
rapporteur : prend en note les idées proposées et rend compte de la teneur et du résultat du débat, a posteriori, sous la forme de son choix- écrite ou orale- ou imposée par l’enseignant.e.
objecteur : si les idées proposées ne sont pas variées, il intervient pour proposer un contre-argument ou une position / citation qui fera réfléchir les participants au débat.
souffleur : comme son nom l’indique, aide un.e participant.e en lui suggérant une idée, un (contre-)argument ou un conseil.
observateur : n’intervient jamais, note la fréquence des participations et fera ensuite un point au groupe, notamment pour faire prendre conscience des points d’amélioration pour un prochain débat.
Selon l’effectif, certains rôles peuvent être joués en binôme ou en trinôme, sauf celui de modérateur.
Bien entendu, il est souhaitable d’intervertir les rôles intervenants / animateurs à la suite d’un premier débat pour permettre à tous les élèves de participer aux échanges d’idées, dans la langue cible, en modulant le sujet proposé.
Si le sujet de la discussion est connu à l’avance, on encouragera bien sûr les élèves à préparer leurs interventions éventuelles, en constituant un éventail d’arguments le plus large possible.
5. Plus-values pédagogiques observées avec ces cartes-support :
Le temps imparti et le cadre établi sont maîtrisés par l’enseignant.e et connus des élèves.
Tous les élèves sont investis en jouant un rôle bien précis dans ce débat d’idées, qu’il soit de participant direct ou d’animateur.
Les participants s’écoutent davantage car des règles de prise de parole sont bien énoncées et visualisées.
La parole est distribuée de manière plus homogène entre les participants et les productions orales sont plus variées, tout en leur permettant de développer leurs compétences réflexives.
Les questions de relance aident les participants à approfondir les contenus, en veillant aussi à conserver une cohérence thématique.
Une trace des échanges est conservée et un compte-rendu peut être envisagé, sur le fond ou la forme, individuellement ou collectivement.
Les différents rôles à attribuer permettent, de plus, de répondre aux principes de la différenciation pédagogique, en incluant les élèves à besoins éducatifs particuliers dans des rôles qui correspondent à leur profil dans un premier temps, en leur donnant confiance en leurs capacités. Un élève timide ou en difficulté d’expression pourra commencer avec un rôle de souffleur ou d’observateur pour, dans un deuxième temps, prendre part de façon plus concrète au débat.
Facilement transposable à différents contextes pédagogiques, du collège au lycée, cette activité d’entraînement à l’interaction orale peut s’inscrire dans des projets de classe plus larges, comme ceux du Parcours Citoyen ou le travail transdisciplinaire autour de la pratique de l’oral.
En plaçant les élèves dans une posture active, coopérative et réflexive, elle favorise le développement d’une expression orale maîtrisée, l’engagement et l’autonomie dans les prises de parole. Cette approche ludique mais exigeante transforme la salle de classe en un lieu d’échange démocratique et d’apprentissage dynamique, structuré et vivant à la fois.
Une proposition d’Amélie Delmas,
professeure d’espagnol
au Collège Jean Monnet (Lacapelle-Marival, 46),
formatrice académique