Estelle MARLIER
Le peintre de batailles
Octobre 2020 à Janvier 2021
* Poum tchak
Nous sommes malheureusement accoutumés à jouir des arts dans l’isolement: absurdité des galeries de peinture, des salles de concert. Les arts isolés sont un triste travers moderne.
F.Nietzsche, Fragments posthumes. 1869-72
La peinture d’Estelle Marlier a l’air d’avoir été pensée comme une musique et une chorégraphie, atténuant les limites entre les différentes formes d’expressions artistiques pour nous conduire vers une expérience sensorielle plus complète où la vue s’adosserait au son et le son à la gestuelle. Les multiples figures que l’artiste trace sur ses grands supports de carton ou de papier se plient et se déplient, elles occupent le terrain comme le ferait un danseur. Dans l’art de la danse, il existe une position dite « ouverte », les jambes légèrement écartées, un pied plus en avant que l’autre, elle dénote une aspiration au dégagement, un élargissement libérateur. Estelle Marlier sait donner à ses images cette liberté d’allure.
* Diviser et distribuer
Ces points d’ancrage nous rappellent à la pesanteur, puisqu’ils ordonnent la surface du tableau en plans successifs, induisent une orientation, celle, si familière, des représentations de paysages scindées en deux par la ligne d’horizon. Les propos de l’artiste le confirment, quelques emprunts au passé structurent ses images:
Précédemment, j’esquissais au fusain un dessin sur de grands papiers, qui me servait de structure sur laquelle venait s’attacher la couleur. J’ai dessiné ainsi de grandes formes arrondies, puis des berges alanguies. Mais au début de la série du peintre de batailles, je cherchais à peindre quelque chose de plus dynamique, de plus dessiné. Alors je me suis tournée vers nos prédécesseurs. J’ai emprunté des lignes de ciel à Gustave Doré puis à Vélasquez. Je ne dessinais que la partie supérieure de certaines scènes, je retenais la skyline, la ligne de ciel, celle qui sépare les personnages du fond du tableau, dans la partie haute. À G. Doré j’ai emprunté des épisodes bibliques: l’ange exterminateur de Sennachérib, La Reine Vashti. A Vélasquez j’ai emprunté les lances et une partie de la scène de la Reddition de Breda, puis le taureau et les personnages (interprétés, il va sans dire) du tableau Mercure et Argos. J’ai aussi retranscrit les cyprès sombres et touffus de sa représentation de la Villa Médicis.
D’autre part, le choix fréquent d’un dispositif en diptyque ou en triptyque, divisant la représentation en séquences, induit d’emblée une temporalité caractéristique du récit.
* Skyline
Les collines, sous l’avion, creusaient déjà leur sillage d’ombre dans l’or du soir. Les plaines devenaient lumineuses mais d’une inusable lumière: dans ce pays elles n’en finissent pas de rendre leur or de même qu’après l’hiver, elles n’en finissent pas de rendre leur neige.
A. de Saint Exupéry. Vol de nuit. 1931.
* En sourdine
* Eclat
Bonne visite.
S. Bach, professeure d'arts plastiques au collège Albert-Camus, responsable de la galerie.
Téléchargez le document d'exposition.