Bien-être scolaire et compétences psycho-sociales, le rôle des professeurs documentalistes

 

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santé mentale


Lors de ce troisième rendez-vous ad hoc, Christine Vertès, professeur documentaliste a présenté les éléments théoriques indispensables et les préconisations en termes d’éducation des élèves. Cet apport notionnel a été complété par des pratiques d’enseignement et des outils que vous pourrez utiliser dans les classes et au CDI.

Vous trouverez ci-dessous la synthèse de son intervention ainsi que le support de présentation et les ressources.

 

Les mots clés  “climat, émotion, affirmation de soi, détente, coopération, empathie, gestion du stress, santé mentale, communication” font partie du vocabulaire associé au bien-être. L’intérêt porté à cette thématique connaît depuis plusieurs années un véritable essor en pédagogie. Le principal postulat est le suivant : les élèves apprennent s’ils sont placés dans un environnement propice aux apprentissages, donc dans des établissements et des classes avec un climat suffisamment sécurisé, le plus éloigné possible des phénomènes de violences physiques et morales, pour favoriser l’engagement de tous et pour améliorer le travail scolaire.

En juin 2022, un rapport alarmant de l’OMS a été publié à partir d’une enquête qui a été réalisée en 2019 sur la santé mentale dans le monde. Il était mention de 14% d’adolescents qui souffraient d’un trouble mental. Suite à ce rapport, un plan d’action global pour la santé a été signé par les 194 pays membres de l’OMS. La santé mentale aujourd’hui n’est plus considérée comme l’absence totale de maladies ou d’infirmités. C’est une approche plus globale, dynamique et positive. Elle est considérée aujourd’hui comme un état de bien-être physique et mental et social. Le programme de développement des compétences psychosociales apparaît aujourd’hui comme un formidable levier pour promouvoir la santé mentale et le bien-être global des individus. On verra comment cela peut également améliorer la réussite scolaire et ensuite la réussite professionnelle.

En France, l’étude nationale sur le bien-être des enfants Enabee a été réalisée auprès de plus de 30 000 enfants. Elle a permis d’interviewer à la fois des éducateurs, des parents et des enfants. Elle a fait apparaître que 13% des enfants de 6 à 11 ans présentent au moins un trouble probable de santé mentale. Dans cette enquête, on trouve 5,6 % d’enfants qui présentent un trouble émotionnel de type anxiété ou dépression, 6,6 % un trouble oppositionnel de type humeur colérique, comportement provocateur ou corollaire et 3,2 % un trouble d’inattention avec ou sans hyperactivité. Il est à noter que les filles seraient plus souvent identifiées pour un trouble émotionnel et les garçons plutôt pour un trouble oppositionnel. Avec ces chiffres à l’appui, on parle de plus en plus du bien-être à l’école.
Dans sa conférence, Christophe Marsollier, inspecteur général de l’éducation nationale, présente les fondements et enjeux du bien-être à l’école ; l’état de la recherche.

Le CNESCO, centre national d’études des systèmes scolaires, présente en novembre 2023, un dossier de synthèse des comparaisons internationales des systèmes scolaires. Comment les écoles, les établissements scolaires peuvent-ils favoriser le bien-être de leurs élèves et de leur personnel ? Pourquoi s’intéresser au bien-être à l’école ? Il est observé que le bien-être et la réussite scolaire sont souvent corrélés. L’école est un lieu d’épanouissement personnel et un lieu de vie essentiel pour la prévention en matière de santé.


Mais qu’est-ce que le bien-être ?

D’après la définition du dictionnaire Larousse, le bien-être est un état agréable  résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit. On se reportera à cette définition pour approfondir maintenant cette notion. Dans un premier temps, abordons la recherche de John Hattie qui a étudié la corrélation entre le bien-être à l’école et la réussite scolaire. Ce travail a permis de mettre en évidence les facteurs de réussite scolaire dont voici les trois principaux. D’abord, les feedbacks positifs donnés par l’enseignant, ensuite, la relation de confiance établie entre l’enseignant et l’élève pour encourager, développer la motivation et la réussite scolaire. En troisième facteur, les programmes encourageant la lecture, ce qui montre l’importance de tout ce que nous pouvons mettre en place en tant que professeurs-documentalistes pour inciter à la lecture et donner le goût de la lecture à nos élèves. La recherche fait également mention de deux autres facteurs comme la formation continue des enseignants et l’enseignement des stratégies en résolution de problèmes. 
Cette étude est vraiment importante pour nous permettre de réfléchir à ce qui peut être mis en place au CDI pour améliorer le bien-être scolaire.
 

La recherche a montré que le bien-être scolaire comporte quatre grandes dimensions :

  • Le bien-être physique avec la fréquence des activités physiques ;
  • Le bien-être social avec tout ce qu’il est possible de mettre en place dans la classe mais aussi hors la classe, dans le CDI, pour développer le sentiment d’appartenance, pour améliorer la qualité des relations avec la communauté éducative, pour proposer du soutien entre pairs  comme par exemple, le tutorat inter-niveau ou le tutorat dans la classe ;
  • Le bien-être psychologique avec des activités qui vont permettre de développer le sentiment de sécurité dans la relation aux enseignants et la communauté éducative, la satisfaction personnelle de la vie dans l'établissement, d'où l’importance de la mise en place de clubs, de projets fédérateurs qui réunissent toute une communauté éducative et qui font que les jeunes se sentent bien dans leur établissement ;
  • Le bien-être cognitif qui va être favorisé par la mise en place d’activités qui développent le sentiment de compétence et le sentiment d’efficacité personnelle.
     

Selon Christophe Marsollier, psychologues et médecins s’accordent à penser que le bien-être des élèves dépend de trois grands facteurs :
- la satisfaction des besoins fondamentaux
- le respect des droits fondamentaux
- et la possibilité de pouvoir exprimer ses émotions et sentiments.


Dans ce cadre de travail, il est possible de se référer aux travaux d’Abraham Maslow. Abraham Maslow est un psychologue américain, considéré comme un des pionniers de l’approche humaniste en psychologie et qui a travaillé sur la théorie de la motivation par la pyramide des besoins des individus. En tant qu’enseignant et éducateur, nous pouvons réfléchir à ce que nous pouvons mettre en place pour répondre aux besoins d’équité et de sécurité des élèves, comme par exemple l’affichage d’un cadre clair, de règles de fonctionnement stables qui s’appliquent à tous, pour instaurer ce sentiment de confiance fondamental entre l’adulte et l’enfant. Développer également le sentiment d’appartenance avec des signes d’encouragement, de considération qu’on peut adresser à tous les élèves et qui permettent d’améliorer le climat de classe. Pour répondre aux besoins de justice, s’appuyer sur une pédagogie explicite où les critères de notation, par exemple, vont être clairement précisés. Pour répondre aux besoins d’autonomie et de réalisation de soi, proposer, par exemple, des activités de connaissance de soi, donner la possibilité aux élèves de faire des choix dans les activités,  donner des responsabilités, comme, par exemple mettre en place un club « Ambassadeurs du CDI »  qui permettra aux élèves d’organiser des projets qui les concernent autour du CDI. Et enfin, permettre aux élèves de se fixer des buts d’apprentissage.


Pour répondre aux besoins d’appartenance sociale, de compétences et d’autonomie des élèves, il est essentiel de développer les propres compétences socio-émotionnelles des adultes. La recherche a montré que le soutien émotionnel est essentiel à un enseignement de qualité. L’enseignant qui apporte ce soutien à ses élèves va se sentir réellement concerné par eux. Il va les considérer comme des personnes et pas seulement comme des élèves. Ce soutien va favoriser le lien social et la cohésion des groupes. Il va permettre de développer ce sentiment d’appartenance à la classe ; la motivation des élèves et leur engagement vont être améliorés, ce qui favorise les apprentissages.

 

Définitions des compétences psycho-sociales (CPS)

L’OMS travaille depuis de nombreuses années sur la thématique des compétences psychosociales et les a définies dans la Charte d’Ottawa dès 1986. Pour l’OMS, il s’agit de la capacité d’une personne à faire face efficacement aux exigences et aux défis de la vie quotidienne. C’est la capacité d’une personne à maintenir un état de bien-être psychique, à le démontrer par un comportement adapté et positif lors d’interactions avec les autres au sein de sa culture et de son environnement. On comprendra qu’un enfant qui ressent ce bien-être sera bien intégré dans la classe et dans l’établissement et pourra disposer de toutes ses capacités pour travailler et apprendre.

Les compétences psychosociales permettent d’accroître le bien-être psychologique et la réalisation de soi, la construction de relations saines et positives, la réussite scolaire et développent les capacités de résilience. Elles jouent également un rôle important dans l’adoption de comportements favorables à la santé, réduisent les comportements à risque, et diminuent certains troubles comme l’anxiété et la dépression. Pour finir, elles améliorent le climat scolaire et la réussite professionnelle.

En 1993, ces aptitudes ont été recensées au nombre de dix, aptitudes à développer tout au long de la vie et réunies par binômes. Le concept a évolué puisqu’en 2001, elles ont été regroupées en trois grandes catégories : les compétences cognitives, les compétences émotionnelles et les compétences sociales.

1 - Les compétences cognitives sont divisées en trois compétences générales : avoir conscience de soi, être capable de maîtrise de soi et savoir prendre des décisions constructives. La première compétence, avoir conscience de soi, est vraiment déterminante pour toutes les autres. Pour la développer, il est intéressant, par exemple, de proposer aux élèves de faire le bilan de leurs acquis, cela peut permettre de développer leur sentiment d’efficacité personnelle. En début d’année de 6ème par exemple, on peut proposer aux élèves de compléter une grille d’auto-évaluation qui permet à la fois aux élèves de mieux comprendre le programme de l’année, d’évaluer ce qu’ils savent déjà, et de repérer ensuite ce qu’ils ont acquis au cours de l’année. Il est stimulant également de partager en fin de séquence ce que chacun a appris, ce qu'il a aimé ou pas. Cela permet de revenir sur des ressentis désagréables, d’évacuer des tensions et de mieux comprendre des objectifs d’apprentissage.
Carol Dweck, professeur de psychologie sociale à l’université de Stanford, a publié des travaux de recherche sur la personnalité, la motivation et sur les théories implicites de l’intelligence. Expliquer le concept d’état d’esprit de développement aux élèves va leur permettre de revoir leur statut de l’erreur et comprendre qu’il est important de s’interroger plutôt sur sa stratégie, ne pas focaliser sur les erreurs pour développer la persévérance et les efforts pour apprendre.
 

2 - Avec les compétences émotionnelles il s’agit de prendre conscience de ses émotions et de son stress, afin de les réguler, notamment en comprenant le circuit de l’émotion. En effet en cas d’émotion désagréable comme la colère, la peur, le stress, l’accès au cerveau rationnel est bloqué. Ce modèle est disponible sur le site Apprendre, Réviser, Mémoriser, il permet de bien comprendre les réactions de certains élèves qui peuvent sembler irrationnelles. Comprendre le circuit de l’émotion, c’est aussi comprendre la libération des hormones au moment des émotions dans le cerveau. Les émotions vont être à la fois soit un frein, soit un levier pour les apprentissages. Dans le cas d’émotions désagréables, un enfant qui se sent jugé, menacé, contraint, ne pourra plus réfléchir et il va réagir de manière instinctive par l’attaque, la fuite ou la paralysie. Et en cas d’émotion agréable, on verra que la motivation, l’engagement vont être encouragés. Vous trouverez des outils à utiliser pour vos élèves, une roue des émotions, une liste de pauses attentionnelles proposées par le site de Scholavie, de nombreux jeux de mimes ou jeux de cartes sur le site du Cartable des compétences psychosociales de l’IREPS Pays de la Loire.

3 - Pour finir, les compétences sociales vont permettre de développer la capacité à communiquer de façon constructive et d'instaurer des relations constructives, de résoudre des difficultés. Il est essentiel d’insister sur le savoir demander de l’aide, qui va permettre peut-être de lutter contre les ruptures inter cycles : apprendre aux élèves à chercher de l’aide, par exemple, quand ils arrivent en 6e ou quand ils arrivent en 2e, trouver des personnes ressources et puis oser demander de l’aide. Quand on développe des relations constructives, on va améliorer le climat à la fois dans la classe, mais aussi hors la classe. Le site Eduscol a publié trois kits pour développer l’empathie qui sont surtout à destination des primaires, mais qui peuvent vraiment être adaptés dans le secondaire, au collège et au lycée.

4 - Les facteurs d’efficacité :
Plusieurs études ont confirmé les effets positifs des programmes de développement des CPS, notamment dans le cadre de la prévention des addictions et des comportements à risque ainsi que dans le bien-être et la réussite scolaire.
Pour être efficace, un programme de développement des CPS doit respecter plusieurs  critères :
- un programme qui développe les trois grandes catégories de compétences
- des programmes qui s’inscrivent dans la durée (10h au moins) et qui sont enseignés de manière formelle et informelle
- une pédagogie expérientielle et interactive
- un apport de connaissances avec un livret ou un support
- une cohérence sur l’environnement de l’enfant
- des ateliers favorisant la confiance en soi, le sentiment d’efficacité personnelle, la capacité d’agir et la résilience.

Les préconisations du CNESCO recommandent de mener des actions ciblées en faveur du bien-être dans les écoles et les établissements :
- mener des actions auprès des élèves pour développer des comportements favorables au bien-être de tous
-  de développer les CPS au travers des enseignements disciplinaires et de façon transversale
- de prévoir des dispositifs transversaux pour réagir rapidement en cas de mal-être des élèves.

Le nouveau référentiel publié par Santé publique France en février 2022 reprend ces 3 grand champs de compétences (cognitives, émotionnelles et sociales) et les subdivises en 9 compétences générales et 21 compétences spécifiques.

 

Les CPS dans les orientations de l’éducation nationale

Elles apparaissent avec les textes pour l’éducation à la santé à l’école et au collège publiés en 1998, puis en 2006 avec le socle commun de connaissances, de compétences qui les place dans ses objectifs. Elles y apparaissent par exemple dans la capacité à s’exprimer (dans le domaine 1, les langages pour penser et communiquer), prendre des décisions constructives, être habile dans les relations interpersonnelles(domaine 2, des méthodes et outils pour apprendre) et communiquer de façon constructive, savoir résoudre des problèmes, avoir une pensée critique. Le parcours éducatif de santé en 2016 les réaffirme comme essentielles.

Les textes officiels récents montrent l’importance qui est accordée aujourd’hui au développement de ces compétences à la fois à l’école mais aussi dans d’autres domaines. En premier lieu, une instruction interministérielle, parue en août 2022, définit une stratégie de développement de ces compétences à l’objectif 2035. Il s’agit  de prévoir que chaque enfant puisse participer à au moins une action, à au moins un dispositif de développement de ces compétences au cours de sa scolarité. 
Le BO numéro 13 du mois de mars 2023 permet de déployer un dispositif national de formation de formateurs.

Pour la rentrée 2024, deux axes fondamentaux ont été affirmés au niveau national :

  • Soutenir et protéger pour un climat scolaire apaisé, améliorer la sécurité, le climat scolaire, le bien-être dans les établissements.
  • Favoriser la santé, le bien-être et l’épanouissement de chaque élève, en mobilisant l’ensemble de la communauté éducative autour de la question de la santé mentale.
     

La feuille de route sur l’acquisition des savoirs fondamentaux de l’Académie de Toulouse, permet de travailler en lien avec les enseignants de savoirs fondamentaux, notamment en français mais aussi en mathématiques. On trouve dans cette feuille de route trois orientations dont “sécuriser les parcours en prévenant les effets de rupture" (en interdegré mais aussi en intercycle), "favoriser l’engagement de l’élève, et renforcer le bien-être et l’estime de soi".

Lors de la conférence internationale du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale de novembre 2023, 3 champs d’action sont préconisés pour réduire les inégalités sociales : le développement des CPS, la mixité sociale et l’accompagnement des élèves dans les choix d’orientation.
Avec le choc des savoirs, qui prévoit de réorganiser le socle commun autour des compétences disciplinaires, il s’agit d’intégrer les compétences psychosociales dans les disciplines en développant surtout la confiance en soi, l’organisation du travail personnel, la persévérance ou la capacité de travailler en groupe.
Le lycée professionnel n’est pas oublié, puisque la transformation de la voie professionnelle dès 2018 liste 14 recommandations, dont un travail pour développer la connaissance de soi, la capacité de travailler en équipe, la gestion du stress, car ce sont des compétences très importantes avant les examens, avant les oraux, ou encore pour la résolution de problèmes.

En complément, la lettre de rentrée 2024 des IA IPR EVS de l’académie de Toulouse montre ce que les professeurs documentalistes et les CPE peuvent mettre en place dans ce sens.
 

Le rôle des professeurs documentaliste est essentiel et très large

Ce rôle peut s’inscrire dans des pratiques pédagogiques aussi variées que la lutte contre le harcèlement (Journée non au harcèlement et programme Phare), la connaissance de soi à travers un projet culturel ou le développement de sa compétence à s’orienter avec le parcours avenir. Les professeurs documentalistes peuvent être force de proposition dans l’établissement pour mener des actions de lutte contre toute forme de discrimination, promouvoir l’égalité ou accompagner la participation à des actions fédératrices dans l’établissement pour faire vivre la fraternité, comme par exemple participer au concours « Écrits pour la fraternité » organisé par la Ligue des droits de l’homme, mettre en place la « Journée de l’élégance et de la courtoisie » ou mener des actions lors de « la semaine du bonheur à l’école» lancée par le laboratoire Bonheurs de Cergy Université depuis 2020. 
Il est également important de repenser les espaces au CDI pour favoriser le bien-être des élèves en proposant des aménagements qui favorisent le développement des CPS. Il est possible de valoriser les ressources en matérialisant des étagères spécialisées pour la gestion des émotions, la préparation de l’oral, ou constituer une « égalithèque » qui rassemble des romans, des albums, des mangas, des revues et documentaires sur le thème de l’égalité. 
Concernant le renforcement des actions pour développer la lecture, mettre en place le quart d’heure de lecture ou participer à des actions nationales comme « la Nuit de la lecture » font partie de pistes à explorer. 
Enfin, pour le professeur documentaliste, il est important de faire le lien entre le parcours EMI et le développement des compétences psychosociales des élèves. A titre d’exemple, il est possible d’inviter les élèves à évaluer leur relation avec les écrans, à mesurer la place que ceux-ci tiennent dans leur vie et à leur proposer de se libérer de leur emprise (séquence disponible sur Lumni “Les Écrans et Nous, Captivés ou Captifs”). C’est une séquence qui permet à la fois d’éduquer les élèves aux médias et à l’information et de travailler les compétences psychosociales parce qu’il s’agit notamment d’identifier ses émotions et ses besoins, de comprendre le fonctionnement des émotions pour apprendre à faire des choix responsables. Une des séances propose en effet aux élèves de hiérarchiser leurs activités quotidiennes, notamment tout ce qui touche aux portables et aux écrans, en lien avec la pyramide des besoins de Maslow, pour leur permettre de comprendre comment les applications usent des failles de notre cerveau pour capter notre attention et nous rendre dépendants.
A travers des actions pédagogiques variées, créatives et innovantes, il s’agit de stimuler le goût d’apprendre et le plaisir d’apprendre
En tant que professeurs documentalistes, il est important de s’emparer des différents parcours pour enseigner et développer ces compétences auprès des élèves.
Ces compétences peuvent être enseignées dans toutes les disciplines, en heure de vie de classe, en devoirs faits ou lors de séances de tutorat, par tous les acteurs de l’établissement, avec un enseignement formel et informel. La recherche insiste sur la nécessité de prévoir ces deux modalités pour plus d’efficience.
 

Deux sites incontournables pour se former et trouver des ressources : Le cartable des compétences psychoscociales de l’IREPS Pays de la Loire est un site ressource évolutif pour celles et ceux qui souhaitent renforcer les compétences psychosociales (CPS) des enfants et des pré-adolescents de 8 à 12 ans et propose de nombreux jeux et activités à télécharger.  ScholaVie, une association spécialiste des compétences psychosociales (CPS),  accompagne les professionnels de l’éducation pour favoriser l’épanouissement et la réussite de tous les élèves, et propose des parcours de formation et des ressources à l’attention des enseignants. Ce site revient sur les mythes qu’il s’agit de déconstruire.

 

Mythes sur les CPS 

1 - Les CPS, c’est inné : les élèves n’ont pas besoin d’un enseignement spécifique pour développer les CPS. On pourrait croire qu’on serait empathique ou qu’on ne le serait pas. En réalité, les CPS, comme la gestion du stress, comme la pensée critique ou la prise de décision, nécessitent un apprentissage intentionnel. Elles se construisent à la fois à partir d’expériences éducatives adaptées, des interactions sociales et d’un environnement favorable, donc d’une posture bienveillante des adultes vis-à-vis des élèves. C’est là, qu’on comprend que les enseignants jouent un rôle clé pour le développement des compétences psychosociales. Il faut savoir qu’on peut les développer à tout âge de la vie, il n’y a pas de limite d’âge.
2 - Les CPS n’ont rien à voir avec les apprentissages scolaires, ces compétences n’ont pas de lien direct avec les disciplines. C’est vrai, mais elles sont transversales, comme l’apprentissage du travail oral ou la lecture à haute voix. Elles permettent par exemple grâce à la pensée critique d’améliorer l’analyse en science, avec la gestion du stress d’aider à se concentrer avant et pendant un examen, avec la régulation des émotions de mieux gérer ses erreurs et de mieux persévérer. La coopération et l’écoute favorisent le travail de groupe.
3 – Développer les CPS, c’est faire de la psychologie. En fait, il ne s’agit pas là de traiter les troubles psychologiques, mais vraiment de préparer les élèves à mieux gérer les défis de la vie quotidienne. Donc, c’est de pédagogie dont il s’agit et non de thérapie. Ces compétences sont universelles, bénéfiques à tous les élèves, quels que soient leurs milieux et leurs niveaux scolaires. Elles sont importantes à développer puisqu’elles renforcent les capacités d’adaptation et la résilience de chacun face aux défis de la vie.
4 - Les CPS, c’est un effet de mode, ça va passer. Rappelons que la stratégie interministérielle prévoit des objectifs jusqu’à l’horizon 2037.
5 – Un dernier mythe qu’il est important de combattre : « On n’a pas le temps ». Les compétences psychosociales doivent aussi être aussi enseignées de façon informelle et intégrées dans les disciplines. Cela peut prendre deux minutes en début de séance ou en milieu de séance où on va proposer un rituel attentionnel pour relancer la concentration et l’attention, un petit exercice de respiration avant une évaluation ou avant de passer à l’oral.
 

 

Panorama des pratiques pédagogiques intentionnelles les plus fréquentes

Ecolhuma, association qui œuvre en faveur de la formation continue des enseignants à travers différents dispositifs d’accompagnement comme la facilitation interne, a réalisé un baromètre 2024 sur l’évolution de la santé mentale des élèves vue par leurs enseignants dans l’objectif de mesurer les perceptions des enseignants sur le développement des CPS à l’école.

Pour de meilleurs résultats, la collaboration entre pairs au sein des établissements, l’appui de partenaires extérieurs et la cohérence des politiques éducatives constituent des axes d’amélioration majeurs pour la mise en place du développement de ces compétences.
Il apparaît, avec cette enquête, que 90 % d’enseignants sont convaincus de l’importance de développer les CPS des élèves et 71 % considèrent que l’école est un lieu privilégié d’apprentissage. 30 % de personnels ont mis en place une intervention efficace en faveur du développement de ces compétences. C’est trois fois plus qu’en 2022.
Parmi les personnels qui ont participé à au moins une activité de formation sur ces thématiques, 2 sur 3 l’ont fait dans une démarche d’auto-formation.
Pour se former, deux nombreuses formules sont disponibles, journées thématiques proposées au PRAF, webinaires et parcours de formation avec Scholavie, Magistère ou dans le cadre du CNR, notre école faisons-la ensemble ou avec Ecolhuma, pour une formation à la facilitation interne.
Les pratiques pédagogiques les plus développées sont :

  • Les feedbacks positifs, centrés sur l’effort et l’engagement plutôt que sur les résultats, afin de favoriser la persévérance. Donner aux élèves la possibilité d’évaluer leur progrès par rapport à un objectif d’apprentissage est un des actes pédagogiques qui a le plus progressé depuis 2022.
  • Le développement des interactions entre élèves pour les entraîner à se parler et à s’écouter. Récemment, j’ai proposé par exemple une présentation croisée entre élèves de 6e après avoir emprunté et lu un roman du CDI et réalisé une fiche de lecture en amont. Cette séance, je l’ai proposée préparatoire au travail sur la lecture à haute voix et les élèves ont beaucoup apprécié de pouvoir se présenter en petits groupes, faire cette présentation où il y avait une partie de lecture. En petits groupes, ça les a notamment aidés à gérer leur stress.
  • Les pratiques de co-construction des règles de vie de classe autour des valeurs du bien vivre ensemble.
  • Les activités de valorisation des compétences autres que scolaires par le biais de projets ou de journées des talents, par exemple, où on propose aux élèves de montrer, de présenter des compétences pas forcément scolaires qu’ils possèdent pour un grand partage.
  • Les techniques de régulation du stress comme des techniques de respiration avec par exemple la cohérence cardiaque ou des pratiques de yoga, des exercices de décharge des tensions, des exercices de détente ou des rituels attentionnels
  • L’utilisation d’outils pour permettre aux élèves d’identifier leurs émotions et de comprendre leurs émotions et celles des autres.

     

Pour se lancer dans l’aventure, la tâche peut paraître immense. Pour éviter d’être découragé avant de commencer, il convient de privilégier la méthode des petits pas. Cette méthode peut également être proposée aux élèves, pour l’aide aux devoirs par exemple des élèves en difficultés. L’objectif reste le même, mais il est atteint à travers l’accomplissement de petites actions à notre portée à la fois dans le temps et dans l’effort.
Il s’agit par exemple de faire le point sur ce que vous faites déjà pour développer les CPS des élèves et vos propres CPS. Ensuite, décider d’une (à trois) actions à mettre en place dans l’aménagement du CDI ou dans le cadre du parcours EMI. Puis, identifier les différentes étapes pour atteindre votre objectif et inscrire dans votre agenda les petits pas que vous avez décidé d’entreprendre.
 

Partager cette préoccupation avec les enseignants de vos établissements ne sera que plus riche et vous permettra de ne pas être seul dans l’établissement à travailler cette question-là. Il est primordial de réfléchir à l’échelle de l’établissement. Il ne faut pas rester seul pour construire une progression, c’est très intéressant de le travailler en équipe et la FIL (formation d’initiative locale) est un format idéal pour construire un projet collectif au sein d’un établissement.

Dans le support de présentation ci-dessous, vous trouverez de très nombreux liens vers des conférences et des ressources qui complètent cette synthèse de l'intervention de Christine Vertès.
 


 

Présentation proposée par Christine Vertès, professeur-documentaliste et formatrice CPS, académie de Toulouse

Lire également sur notre site académique : Développer les compétences psycho-sociales à l’école