Régulation normative et pratiques sociales de l'Intelligence artificielle générative (IAG) : étude en contexte scolaire - Adeline Segui Entraygues - Revue COSSI

L’EMI et la culture de l’information

Dans un premier temps, nous posons comme cadre théorique la culture de l’information et l'EMI. Nous suggérons de partir des directives institutionnelles du Ministère de l’Education Nationale pour l’Education aux médias et à l’information qui représentent une préconisation pour une mise en œuvre pédagogique : "à l’heure des médias de masse et des réseaux numériques, garantir à tous les élèves la maîtrise de ces compétences contribue à la réduction des inégalités culturelles et sociales. C’est donc une nouvelle responsabilité qui s’impose à l’École » (MEN 2018). De plus, la circulaire de mission des professeurs documentalistes précise qu'"il prend en compte l'évolution des pratiques informationnelles des élèves". (MEN 2017) L'IAG en tant que technologie doit être investie par l'école à la fois comme outil et comme objet par la transmission d’une culture de l'information. Cependant, nous prenons le parti de considérer l’EMI en tant que mise en œuvre et non comme un concept scientifique.

Entre SIC et sciences de l’éducation (Juanals 2003), la culture de l’information s'avère une notion complexe, non consensuelle et polysémique aux enjeux cognitifs, communicationnels, économiques et politiques. (Chante 2010 ; Liquète 2014). Nous retenons une approche duale qui nourrit notre travail de recherche en contexte scolaire mais qui résonne dans un contexte général et avec une dimension anthropologique.

La culture de l’information prend la forme d’une culture commune et générale dans un contexte de société de l’information (Doueihi 2011 ; Chante 2010). L’UNESCO, lors de la Déclaration de Prague, “Vers une société compétente dans l’usage de l’information” déclare ainsi qu’elle est dimension indispensable pour l’épanouissement de l’individu, l’information étant une “notion stratégique indissociable de la pensée de l'apprenance et de la connaissance” (Bernhard 2003).

D’un point de vue scolaire, elle représente une culture scolaire aux contours non délimités et amène à une réflexion didactique inéluctable vers des contenus nécessaires aux élèves (Chapron et Delamotte 2010). La dimension citoyenne dans la lignée historique des Lumières est à prendre en compte et dépasse la simple compétence scolaire vers un développement de l’esprit critique (Le Deuff 2009).

Les pratiques d'information

Nous mobilisons comme deuxième objet de recherche les pratiques informationnelles. Le terme de pratiques informationnelles désigne : « la manière dont un ensemble de dispositifs, de sources formelles ou non, d’outils, de compétences cognitives sont effectivement mobilisés, par un individu ou un groupe d’individus, dans les différentes situations de production, de recherche, d’organisation, de traitement, d’usage, de partage et de communication de l’information » (Chaudiron et Ihadjadene, 2010, 3).

Gilles Sahut (2023) pointe trois entrées pour les pratiques d’information en Sciences de l’information et de la communication coexistant entre information behavior, information practices et information expérience. Partant ainsi d’une approche outil à une approche usager en passant par une approche systémique, l’analyse des pratiques d’information s’organise autour d’une perspective socioculturelle et en rapport avec les théories de l’activité et de la pratique. (Zhong, 2023)

Les pratiques informationnelles se veulent être des "activités informationnelles concrètes, régulières et situées au sein de contextes sociaux identifiés" (12) ; elles supposent ainsi des compétences sociales et s’inscrivent dans une théorie constructionniste sociale.

Dans cette lignée, Anne Cordier avance la notion d’expérience informationnelle comme étant la clé de compréhension du rapport à l’information, plaçant l’individu dans une dynamique collective et globale.

A la lumière de ce focus théorique, nous préférons l’expression de « pratiques d'information » : contrairement aux pratiques informationnelles, les pratiques d’information expriment les rapports multidimensionnels à l’information et sont « l’ensemble des activités régulières et des expériences en rapport avec l’information, médiées techniquement ayant pour but de s’informer, communiquer, publier et créer du lien social ; nous ajoutons que dans les pratiques d’information entrent en jeu les représentations, les connaissances et les compétences individuelles et collectives, en construction. » (Entraygues, 2020, 41) Elles permettent de considérer à la fois les pratiques sociales, les pratiques scolaires, les pratiques personnelles, les pratiques informationnelles, communicationnelles ou encore ludiques.

Entre informalité et formalité : délimitation du contexte d'usage

Nous discernons deux types de pratiques d’information, d’une part les pratiques formelles, “les pratiques prescrites par l’école, modélisées selon des critères d’efficacité collective, de rendement informationnel mais aussi de légitimité culturelle” et d'autre part les pratiques informelles “pratiques sociales ordinaires, non prescrites ou régulées par une autorité, non structurées de manière explicite, mais efficaces dans la satisfaction qu’elles procurent au quotidien.” (Kovacs et Béguin 2011)

Tout au long de notre travail de recherche, nous avons choisi de conserver cette opposition théorique entre ces deux types de pratiques parfois complémentaires : nous pensons qu’il existe une porosité entre ces deux contextes d’usage en apparence opposés. (Béguin-Verbrugge 2006)

Régulation normative et pratiques sociales de l'Intelligence artificielle générative (IAG) : étude en contexte scolaire - Adeline Segui Entraygues - Revue COSSI