Par Erika Bourciquot
Reprenant l’animation du Club Aventure dans mon collège ouvert aux élèves tous niveaux confondus, j’ai souhaité mêler à celui-ci le partenariat tissé, depuis quelques années, avec la ludothèque de la ville (une heure par semaine, durant la pause méridienne, la ludothécaire, vient présenter des jeux au CDI). Les interventions de la ludothécaire auprès des élèves m’ont semblé être une excellente opportunité pour nous lancer dans la conception d’un jeu de plateau.
Contexte et genèse du projet :
Le « Club Aventure » se déroule une heure par semaine au CDI durant la pause méridienne. Chaque année, depuis 5 ans, des élèves volontaires, de la 6ème à la 3ème, sont invités à réfléchir sur des thèmes scientifiques liés à l’actualité. Pour l’année 2016-2017, j’ai proposé aux élèves de suivre l’aventure spatiale de Thomas Pesquet. La mission du spationaute étant largement relayée par les médias et les réseaux sociaux, le thème s’est imposé de lui-même. Je souhaitais également donner un nouveau souffle à ce club en changeant le mode de restitution des travaux des élèves. Jusqu’à présent les temps de recherches organisés au CDI donnaient lieu à des exposés sous forme de panneaux d’affichage; Je voulais donc pour cette année mener une nouvelle expérience : mêler un travail de collaboration à plusieurs niveaux en incluant l’implication de partenaires extérieurs (ludothécaire de la ville, étudiants de l’ISAE-SUPAERO) afin de fabriquer ensemble un jeu scientifique dédié à Thomas Pesquet.
Les élèves profiteront donc sa mission scientifique pour suivre son quotidien, ses ressentis, ses recherches afin de créer un jeu de plateau sous forme de questions retraçant son épopée, qui lui sera remis par la suite.
Les modalités de mise en œuvre et la coopération de chacun :
Pour démarrer le projet, il m’a semblé important dans un premier temps d’amener les élèves à définir ou plutôt essayer de se faire une idée précise du type de jeu qu’ils souhaitaient créer.
Pour cela, nous avons consacré les premiers mois de l’année scolaire à la découverte de jeux de plateau, des différentes mécaniques afin que les membres du Club puissent se faire une idée plus précise du type de jeu qu’ils souhaitaient concevoir.
En parallèle, les élèves doivent réaliser une veille régulière afin de prendre notes des informations diffusées par les journalistes dans les médias et par l’astronaute lui-même sur les réseaux sociaux : son quotidien, sa mission, ses recherches… Cette veille informationnelle se déroule via le compte twitter du club.
Un compte que nous avons pu ouvrir que très récemment suite à quelques difficultés techniques via le réseau établissement. En attendant, les élèves ont mis aussi un panneau d’affichage dans l’établissement sur lequel ils peuvent diffuser des photographies prises par le spationaute ainsi que des productions documentaires réalisées par le groupe (le fonctionnement d’une fusée, les rituels avant le décollage, ce qu’est l’ISS, la vie quotidienne à bord….) Ce travail de recherche et de veille scientifique est essentielle afin d’ alimenter les boites à questions du jeu.
Plus largement, ce projet amène aussi une réflexion plus approfondie autour des notions de coopération et créativité. L’objectif principal étant de développer des compétences créatives et sociales chez les élèves en s’inscrivant dans une démarche de plaisir et bien-être au travail. Pour cela, il me semble intéressant d’observer les interactions entre le groupe dans la mise en avant des compétences et des rôles de chacun tout en favorisant un climat motivationnel essentiel pour ce type de projet collaboratif.
Chaque séance commence par un point d’étape sur l’avancée du projet et les élèves se répartissent ensuite d’eux-même par petits groupes de travail selon quatre axes :
- veille et recherche d’information qui donnent lieux à des affichages et à des productions documentaires
- conception de la mécanique du jeu : élaboration et rédaction des règles
- élaboration de questions-réponses pour la « boîte à questions » du jeu
- confection du plateau et du matériel de jeu (maquette, charte graphique…)
Premières ébauches pour la maquette
A ce stade du projet, même s’il reste encore beaucoup à faire, je peux constater une évolution dans le comportement des élèves. Les interactions, au sein du groupe, sont plus importantes :les élèves coopèrent, sont plus autonomes. Ils n’hésitent pas à prendre des initiatives, partager et faire vivre leurs compétences, justifier leurs choix dans le respect des idées de chacun.
Le fait également de mixer les niveaux a fait que naturellement une forme de tutorat s’est dessinée entre les plus grands, pour certains déjà membres du club les années passées, et les nouveaux arrivants. Un élève en situation de handicap jusque là très introverti et peu communicatif s’est totalement ouvert à l’esprit du groupe et a su trouver sa place en souhaitant mettre à contribution sa passion pour le dessin et le graphisme pour la reflexion collective autour de la maquette.
Mobiliser ses compétences et connaissances en lien avec les parcours éducatifs :
Ce travail qui mêle la collaboration et la créativité met en oeuvre de nombreuses compétences qui peuvent se rattacher aux différents parcours éducatifs de l’élève :
Parcours citoyen
- Participer à la vie sociale de l’établissement et de son environnement.
- Travailler en coopération ce qui nécessite de comprendre et d’appliquer des règles de vie régissant les comportements individuels et collectifs.
- Collaborer autour d’un projet commun s’appuyant sur des valeurs communes : entraide, respect, diversités des points du vue…
- Éduquer aux médias et à l’information par la découverte et l’ utilisation d’un média social avec les élèves et la veille informationnelle sur les réseaux
Ce projet favorise également la prise de responsabilités au sein d’un groupe, l’implication personnelle et le recours à l’observation partagée permettant une véritable coopération autour de ce projet commun
Parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC)
S’intégrer dans un processus créatif : développer la créativité, l’expérimentation et la sensibilité artistique de chacun en imaginant le jeu dans son intégralité (conception du plateau, pions, cartes…)
Parcours Avenir
- Découverte des filières et métiers scientifiques avec la visite de l’ISAE-SUPAERO
- Intervention de jeunes étudiants de l’ISAE au collège autour de thématiques scientifiques
Conclusion et poursuite du projet
Par rapport à ma conception de départ et au fur et à mesure de l’avancement du projet, je me suis vite rendue compte que celui-ci est très chronophage. La fabrication d’un jeu de plateau nécessite une certaine maîtrise (mécanisme de jeu, élaboration des règles…) et l’aide et les conseils apportés par la ludothécaire auprès du groupe ont été à mon sens essentiels pour la réflexion en équipe dans cette tâche complexe.
Ainsi ce travail qui va se poursuivre sur l’année scolaire prochaine, m’ a permis également de me questionner et réfléchir à ma conception de l’espace du CDI qui doit être, selon moi, un lieu ouvert, permettant de favoriser des situations de coopération et de créativité permettant de renforcer ainsi l’assiduité, la motivation et la confiance en soi pour permettre à chaque élève d’avance à son rythme en mobilisant ses propres compétences autour d’ un projet commun .
La conduite de ce projet m’a permis de me conforter dans l’idée que le jeu a toute sa place au CDI, d’une part parce qu’il permet de favoriser les interactions entre les élèves et d’autre part, parce qu’il peut participer à la redécouverte du lieu. C’est pourquoi, je souhaite pour l’année scolaire prochaine, mettre en place une ludothèque au CDI dans une dynamiques d’auto-gestion par les élèves : permettre à des élèves volontaires de participer aux acquisitions de jeux, à la gestion et l’animation de l’espace et ainsi faire vivre l’espace ludothèque du CDI.