Bibliothérapie jeunesse au collège

 La lecture partagée, un dispositif gagnant au service de la lutte contre les inégalités sociales et le bien-vivre ensemble

La lecture partagée à voix haute d’albums ou de récits dans le cadre d'ateliers de bibliothérapie jeunesse est l'occasion de favoriser les interactions entre œuvres de fiction pour la jeunesse et des questions d’éducation à la santé correspondant aux préoccupations des adolescents. Comment la littérature pour la jeunesse permet de favoriser le goût du livre et de la lecture, mais aussi de faciliter l’interrogation intime et l’expression collective au sujet des questions de santé et de société, de développer les compétences psychosociales, l'empathie et la créativité ?

« Le temps de lire comme le temps d’aimer, dilate le temps de vivre », Daniel Pennac

 

La bibliothérapie, qu’est-ce que c’est ?

Un livre est capable de nous émouvoir, nous permet de vivre par procuration de nombreuses aventures ; lire un livre, c’est une rencontre avec l’imaginaire, le voyage et l’évasion. Il peut également nous faire du bien et nous apaiser. 

Née il y a plus de 100 ans, la bibiblothérapie utilise le livre et la lecture comme outil thérapeutique ou éducatif. 
Durant la première guerre mondiale, elle est utilisée pour aider les soldats à se remettre des traumatismes physiques et psychiques, et connaît surtout un certain essor dans les pays anglo-saxons. 
En 1961, le Webster International Dictionnary la définit comme l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant qu’outils thérapeutiques en médecine et en psychiatrie. La bibliothérapie apparaît comme un moyen pour résoudre des problèmes personnels, par l’intermédiaire d’une lecture dirigée. 

Dans son ouvrage, issu de sa thèse d’exercice, « La Bibliothérapie en médecine générale » [2013], Pierre-André Bonnet démontre notamment l’efficacité de la bibliothérapie jeunesse auprès de 341 jeunes à risque de dépression grave avec des résultats positifs à moins de 6 mois sur les symptômes dépressifs. 
« De manière plus générale, il souligne la vertu thérapeutique et éthique des textes, et présente la bibliothérapie comme un outil de soin et de prévention en santé mentale, employé notamment pour traiter divers troubles (de l’humeur – anxiété, phobies ; du sommeil ; de l’enfance et de l’adolescence ; de la dépendance) et défend ainsi l’importance de la lecture pour rechercher une meilleure santé dans son ensemble, et non simplement pour soulager un trouble émotionnel particulier ».

La bibliothérapie jeunesse s’est développée dans les années 50 et 60 pour aider les enfants à mieux comprendre leurs émotions, développer leur estime de soi et améliorer leur confiance en eux. En France, on parle de biblio-coaching, biblio-zen, bibliothérapie jeunesse, bibliocréativité... C’est une pratique d’aujourd’hui en pleine émergence et en constante évolution. 

On peut tout d’abord citer les travaux de Régine Détambel, écrivaine et formatrice en bibliothérapie créative qui a lancé un véritable mouvement avec son essai paru en 2015 « Les Livres prennent soin de nous pour une bibliothérapie créative ». Elle présente la bibliothérapie créative comme« une animation culturelle relationnelle mobilisant divers outils (lecture à voix haute, écriture, dessin, carnets, médiation par les objets, etc.) et permettant d’accompagner tous les publics en quête de sens, d’éveil ou d’apaisement, des enfants aux sujets âgés ».

Les pratiques de la bibliothérapie jeunesse dans le milieu éducatif consiste à lire et compléter la lecture partagée à voix haute par des discussions ou des activités. L’objectif n’est pas de soigner. 
Aurélie Louvel, professionnelle du livre, de l'éducation (professeure documentaliste certifiée pendant onze ans), et des thérapies créatives est autrice de l’ouvrage « Bibliothérapie jeunesse, une approche expressive et créatrice, Dunod, 2021, 272 p. ». Elle définit la bibliothérapie jeunesse créative comme une « forme de pratique bibliothérapeutique, destinée aux enfants et aux adolescents, qui permet de leur apporter du bien-être par le biais d’une lecture sélectionnée, d’une discussion et d’une activité créative (…) ». On recommande des livres dans lesquels l’identification avec les personnages est forte. 

Durant 1h, une immersion totale dans le monde de la lecture et de l’écriture est proposée autour d’une thématique choisie : lecture partagée à voix haute suivie de moments de création sous différents formes. Les processus en jeux sont à la fois d’apporter du bien-être par une lecture sélectionnée, de permettre une discussion à bâtons rompus autour des émotions ressenties de manière à mieux comprendre les événements, mieux identifier et extérioriser les émotions pour apprendre à mieux se connaître et connaître les autres, et enfin libérer sa créativité. 
 


Pourquoi utiliser la bibliothérapie jeunesse à l’école ?

La lecture : des pratiques de sociabilisation différentes selon les milieux 

« En avril 2019, une étude dirigée par Jessica Logan, professeur en sciences de l’éducation à l’Ohio State University, révèle que de jeunes enfants à qui les parents lisent cinq livres par jour entrent en maternelle (plus exactement, au cours des cinq premières années de vie) après avoir entendu environ 1,4 million de mots de plus que les enfants sans lecture. Ce « déficit de mots » serait l’une des clés permettant d’expliquer les différences de vocabulaire et de développement de la lecture. Pour ces chercheurs, c’est la lecture partagée, et plus encore la conversation extratextuelle, qui importe. »

À la suite des confinements durant la période Covid-19, il a été observé chez les enfants un renforcement des écarts au niveau des acquisitions et notamment du langage. Il existe des contextes propices au développement du langage et d’autres moins. L’école est un milieu qui peut permettre d’activer des leviers pour un développement langagier plus équitable en vue d’une meilleure égalité des chances. 

« Sébastien Goudeau, enseignant et chercheur, explique que contrairement à des représentations bien ancrées, des travaux récents en psychologie du langage mettent en évidence que l’on ne parle pas moins ou avec un vocabulaire plus pauvre aux enfants des milieux populaires. En revanche, il y a une autre façon de parler et d’utiliser le langage, peut-être plus pragmatique, alors que dans les milieux davantage favorisés le langage est pris lui-même comme un sujet d’étude et de réflexion.
Cela relève de pratiques éducatives et de socialisations différentes. Un enfant issu de milieu favorisé est davantage entraîné à exprimer ses idées, ses centres d’intérêt, ses émotions ; parler est une façon d’agir sur le monde, d’exprimer sa créativité et sa pensée unique. Et bien évidemment il y a une proximité avec l’école, le lieu par excellence où ce rapport au langage est attendu et cultivé. Dans les milieux plus précaires et plus instables, l’enfant est invité à respecter davantage les règles, à ne pas se mettre en avant, à ne pas faire son intéressant. Prendre ou monopoliser la parole n’est pas forcément bien vu. Ces pratiques opposées pourraient expliquer les différences que l’on constate à l’oral dès le plus jeune âge. »

Dans l’étude « Les jeunes français et la lecture » publiée en 2024, le Centre National du Livre s’inquiétait d’un décrochage préoccupant. Grégoire Borst, Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation (université de Paris) et Directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant (CNRS), souligne l’importance cruciale de la lecture à haute voix même après l’apprentissage de la lecture. Il faut environ 3 à 4 ans pour maîtriser le décodage des mots d’où l’intérêt de poursuivre la lecture aux enfants jusqu’à 9-10 ans pour faciliter l’accès au sens. Quand on lit bien, on lit davantage et donc on a plus d’appétence pour la lecture. 
 

De l’importance de donner le goût de la lecture

Face à la concurrence acharnée des écrans, la lecture recule à grande vitesse. Cette baisse prend racine dans la désaffectation précoce de la lecture partagée entre parents et enfants. Or seule la présence et la voix du parent, de l’adulte peuvent susciter l’identification aux personnages chez l’enfant. Lire est une acculturation lente à force de répétitions, de volume de mots « moissonnés » et mémorisés. Beaucoup se joue à l’adolescence. Faire naître le goût de la lecture passe par la pratique, l’exemplarité (les jeunes ont besoin de nous voir lire, ils le feront par mimétisme), et l’incitation quotidienne. Seule la lecture prépare à la lecture. La lecture à voix haute permet de rassembler les élèves et partager le plaisir du texte. 

Différentes études montrent le rôle de la lecture sur le développement du langage, de l’intelligence verbale, l’acquisition des connaissances, le développement de l’intelligence émotionnelle pour aider à se comprendre soi-même, comprendre les autres et interagir. 
A travers la lecture, l’enfant nourrit les 3 piliers fondamentaux de son humanité à savoir les aptitudes intellectuelles, les compétences émotionnelles et les habiletés sociales. En devenant lecteur, l’enfant apprend bien plus que la maîtrise du code écrit, il apprend à apprendre, à questionner, à regarder, à écouter, à raconter, à compatir et à penser. 
 

De nombreuses recherches scientifiques ont démontré les plus-values apportées par la lecture :

  • Lire sur papier stimule le cerveau : la lecture développe les capacités verbales et non-verbales et améliore le vocabulaire. Les lecteurs qui lisent des livres de fiction ont tendance à être plus ouverts et développent leur créativité.
  • En lisant, nous créons de nouvelles connexions neuronales, ce qui améliore le traitement de la mémoire et d’autres fonctions cognitives. La lecture peut aider à prévenir la maladie d’Alzheimer comme la pratique des échecs ou les puzzles.
  • le temps consacré à la lecture a une influence positive sur les performances scolaires à tous les niveaux d’enseignement, et développent les compétences en matière de résolution de problèmes mathématiques,
  • Lire améliore l'estime de soi et réduit la dépression (les lecteurs se sentent plus heureux que ceux qui ne lisent pas et les non-lecteurs auraient 28% de risques de développer des syndromes dépressifs). Les lecteurs se déclarent moins stressés, moins déprimés, ont une meilleure estime d'elles-mêmes et une plus grande capacité à relever des défis,
  • Lire accroît l'empathie : lire de la fiction aide à développer l'altruisme avec un plus grand respect pour les croyances et les désirs des autres,
  • Lire réduit la fréquence cardiaque et soulage la tension musculaire. Lire pendant 6 min. réduit le stress de 68 %. La lecture agit également plus rapidement que d’autres activités apaisantes, comme se promener ou écouter de la musique,
  • Lire aide à mieux dormir,
  • En moyenne, les lecteurs ont une meilleure santé physique et mentale. La lecture peut vous faire vivre plus longtemps. Des chercheurs de l'Université de Yale ont montré que les participants qui consacraient 30 minutes de leur journée à la lecture vivaient en moyenne 23 mois de plus que les personnes qui ne lisaient pas.
  • Lire de la fiction permettrait de développer les « théories de l’esprit » et donc des compétences émotionnelles. D’après la psychologie du développement, la théorie de l’esprit est une compétence fondamentale pour la vie sociale. Il s’agit de la capacité à comprendre et à envisager le comportement sur la base de la compréhension des états mentaux (intentions, émotions, désirs, croyances), de soi et des autres. 
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Liste des bienfaits de la lecture


Quelques dispositifs pour donner le goût du livre et de la lecture à l’Éducation Nationale

« Le goût de la lecture est essentiel à la réussite et à l'épanouissement des élèves. Prendre le temps de lire, développer l’écriture créative, découvrir la littérature de jeunesse et la littérature contemporaine, rencontrer des auteurs, sont autant d’actions qui peuvent revitaliser la relation des élèves au livre. »

Le rôle des professeurs documentalistes est réaffirmé dans l'accompagnement des élèves à la pratique de la lecture avec la parution du BO du 26 novembre 2021 : « La mobilisation, au collège et au lycée, des professeurs documentalistes est déterminante pour la réussite de l'ensemble de ces actions, dont les CDI sont souvent les lieux de réalisation. »

« Le président de la République a retenu, pour l'année 2021-2022, la lecture comme grande cause nationale. Cet engagement national constitue une opportunité pour prolonger et amplifier l'action quotidienne de l'École, non seulement pour permettre aux élèves de maîtriser la lecture, mais aussi pour promouvoir, à l'école comme en dehors, une pratique quotidienne de la lecture. La lecture constitue en effet un vecteur de transmission du savoir, de culture, d'égalité des chances et, au-delà, d'épanouissement personnel pour les élèves. » 
Trois grands axes sont retenus pour ce programme :

  • donner le goût de la lecture à tous les élèves
  • promouvoir une pratique quotidienne de la lecture
  • transmettre le savoir par les livres. 


Des plaisirs et des livres, plan académique 2024 de l’académie de Toulouse
Le Conseil académique des savoirs fondamentaux a élaboré un Plan lecture pour en améliorer l’apprentissage en ciblant diverses étapes du parcours scolaire.
Créé pour améliorer l'apprentissage de la lecture dans le 1er degré, ce plan met néanmoins en lumière des actions et des propositions d’événements phares destinés à tous les niveaux.

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Affiche du plan lecture

 

  • Au Cycle 3, l’articulation entre la lecture (compréhension et fluence) et la production d’écrit est renforcée avec 2 heures de pratique dédiées à ces compétences.


Quelques dispositifs mis en place au CDI du collège Jean Monnet pour donner le goût du livre et de la lecture :

  • Prendre le temps de la lecture : Le 1/4 d’heure lecture, un temps réservé à la lecture personnelle de l’école élémentaire au lycée. Au CDI, le 1/4 d'heure lecture se décline tous les jours pendant les deux premières heures de la matinée.
  • Lire à voix haute dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. Les élèves de 6e :
    • sont sensibilisés à la lecture à voix haute et participent à un concours interne inter-classes au collège.
    • préparent une fiche de lecture sur un livre de fiction emprunté au CDI et réalisent une présentation croisée ( en îlots) de leur lecture comprenant la lecture d’un extrait.
  • Décerner un prix littéraire : la participation au Prix des Incorruptibles en classe de 5e ou au Prix Nénuphar en classe de 6e et en classe Ulis en co-intervention avec les enseignants. Ces prix littéraires sont décernés par les jeunes lecteurs. Chaque classe participante lit une sélection par niveau scolaire de 5 à 6 livres et vote pour son livre préféré. Des activités autour des livres peuvent être proposées en classe ou au CDI.
  • Écrire - Développer l’écriture créative : La mise en place d’un atelier de bibliothérapie jeunesse au collège permet de développer l’empathie et les compétences créatives chez les adolescents.
  • Rencontrer les acteurs du livre : un partenariat avec le festival de BD de Cajarc permet aux élèves du club dessin de bénéficier d’un atelier animé par un auteur de BD présent au festival.
  • Participer à des événements autour de la lecture : les Nuits de la lecture sont un temps fort pour valoriser toutes les actions autour du livre et de la lecture à l’École. Chaque année, une action est imaginée et proposée par les élèves Ambassadeurs du CDI.
     

Faire découvrir le pouvoir des livres passe par :

  • la valorisation de la lecture (encourager l’enfant, le rendre fier),
  • faire de la lecture un plaisir (continuer le plus longtemps possible la lecture partagée en accompagnant la difficulté croissante des textes) et
  • préserver des temps de lecture face aux nombreuses sollicitations numériques (30 minutes de lecture quotidienne ont des effets considérables sur le développement de l’enfant) et expliquer en quoi le rapport addictif aux écrans peut être néfaste.

Une action de prévention sur l’utilisation des téléphones portables est menée au collège en classe de 4e en co-animation avec l’enseignant d’histoire-géographie-EMC afin d’informer les élèves des risques des effets des écrans sur la santé mentale.



Comment la bibliothérapie jeunesse permet-elle de développer les compétences psychosociales des adolescents ?

Une séance de bibliothérapie jeunesse ne permet pas seulement de proposer des temps de lecture partagée qui favorise la lecture-plaisir, mais permet également d’appréhender des thèmes en lien avec la santé et de mobiliser des compétences psycho-sociales essentielles comme la confiance en soi, l’esprit critique, l’écoute et le partage.

 

Les compétences psycho-sociales : un pilier pour la vie

Mises en avant par l’OMS dès les années 80, dans le cadre de la Charte d’Ottawa, le développement des CPS représente un des 5 axes d’action de la promotion de la santé et une stratégie majeure en prévention (notamment dans le domaine de addictions, de la santé mentale, de la santé sexuelle et de manière générale pour prévenir les conduites à risque). 
Les CPS font partie des compétences humaines qui aident à faire face aux problèmes du quotidien tout au long de la vie. Ces 30 dernières années, de nombreux travaux de recherche ont montré l'importance des CPS dans le développement de l'enfant, de son bien-être et de sa santé, mais aussi comme formidable levier pour la réussite scolaire et professionnelle. 
Trois grandes catégories sont définies : cognitives, émotionnelles et sociales. Il est possible de les cultiver dès le plus jeune âge et tout au long de la vie pour permettre aux individus d’avancer avec confiance et résilience. 

Santé publique France apporte son expertise et participe à la mise en œuvre des pratiques CPS de qualité dans les milieux scolaires, péri et extra-scolaires depuis une dizaine d’années. En mars 2025, un référentiel opérationnel (tome 1) est publié pour accompagner les professionnels avertis et les experts formateurs des compétences psychosociales. Il porte sur les compétences de base qui permettent d'accroître la compréhension et l'acceptation de l'expérience cognitive, émotionnelle et sociale (en commençant par soi pour aller vers l'autre). 

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Première de couverture de l'ouvrage


Il traite des trois premières CPS générales :

  • renforcer sa conscience de soi (1re CPS générale cognitive),
  • renforcer sa conscience des émotions (1re CPS générale émotionnelle),
  • développer des relations constructives (1re CPS générale sociale).


Le lecture d’albums ou récits courts choisis au préalable permet d’aborder avec les adolescents des thématiques portant sur leur vie et leurs préoccupations quotidiennes. Le temps d’échange après la lecture leur permet de partager leurs ressentis et d’échanger autour d’événements qui les touchent et les concernent comme la famille, l’amitié, l’utilisation des écrans, le divorce des parents, les rituels, l’école, le bonheur,... 
Le cadre propice de l’atelier facilite les échanges et l’expression de chacun, développe la confiance en soi, l’empathie et le respect entre pairs. L’approche de soutien, bienveillante, centrée sur l’accueil des ressentis et de l’expérience (qu’avez-vous ressenti ? Qu’est-ce que cette activité vous a appris sur vous ? Pour votre vie quotidienne ?) plutôt que la posture de contrôle (Qu’avez-vous compris ? Avez-vous ressenti l’effet positif de ce travail sur vous ?) encourage la réflexion collective et le travail d’introspection. Avec la pratique de ces ateliers, on peut constater que les adolescents ont de nombreuses interrogations et cherchent des réponses auprès d’adultes et dans les histoires lues. 
Une veille documentaire permet de recenser une liste d’albums ou récits courts permettant d’aborder des thématiques diverses comme « prendre soin de soi », « s’accepter soi-même et accepter les autres » ou « la vie affective et amoureuse ».

Les élèves mobilisent ainsi les trois catégories de CPS :

  • Les CPS cognitives : « accroître sa connaissance de soi » et « penser de façon critique »,
  • Les CPS émotionnelles : «comprendre les émotions » et «identifier ses émotions »,
  • mais aussi les CPS sociales : « communiquer de façon efficace et constructive », « communiquer de façon empathique » ou « développer des liens et des comportements prosociaux ».

L’activité créatrice qui suit la lecture partagée permet ensuite aux élèves de « renforcer sa pleine attention à soi » (CPS cognitive), « exprimer ses émotions de façon constructive » (CPS émotionnelle) et développer leur créativité. 

La lecture partagée à haute voix d’albums ou récits de fiction dans le cadre de l’atelier de bibliothérapie jeunesse, en plaçant l’empathie au centre de la démarche, permet ainsi de mobiliser des capacités relationnelles des adolescents et développe leurs habiletés cognitives, émotionnelles et sociales. 
Fondée sur une pédagogie active, expérientielle et positive, l’atelier de bibliothérapie jeunesse stimule la créativité, les dialogues à voix haute et les retours de lecture réflexifs de la part des élèves.

A la rentrée 2025, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture institué en 2013 est réorganisé autour de compétences disciplinaires, psychosociales et de repères de culture générale. Les compétences psychosociales apparaissent comme une des quatre familles à encourager telles que la confiance en soi, l’organisation du travail personnel, la persévérance ou la capacité de travail en groupe. Elles peuvent faire l’objet de séances dédiées dans le cadre de l’accompagnement personnalisé par exemple ou être intégrées dans les séances disciplinaires, de manière formelle ou informelle.

Ces compétences apparaissent également dans le programme Phare de prévention du harcèlement avec la nécessaire mise en œuvre de 10 heures d’apprentissage. La préparation et l’animation de séquences peuvent être organisées autour d’activités de connaissance de soi, d’ateliers empathie (J3F, jeu des 3 figures modélisé par Serge Tisseron), de jeux ou séances de travail en classe en coopération, d’ateliers de gestion des émotions, de débats sur des questions de société… Les ateliers de bibliothérapie jeunesse peuvent entrer dans ce programme de prévention des violences à l’école et du bien-vivre ensemble. 


Comment se déroule un atelier de bibliothérapie jeunesse ?

A mi-chemin entre le club de lecture et l’atelier d’écriture, les ateliers de bibliothérapie sont des moments-parenthèses du temps scolaire, vécus comme des petits cocons dans lesquels on se rencontre, on lit des textes à voix haute, on échange, on partage pour ensuite écrire ou dessiner, gribouiller. Un moment simple et bienveillant pour vivre un moment de plaisir partagé, apprendre à mieux se connaître et mieux connaître les autres, ouvrir la porte à l’imaginaire et la créativité grâce à la littérature dans une visée de bien-être. 


Public visé :
15 personnes maximum pour pouvoir laisser la parole à chaque élève ; idéalement 10/12 personnes pour permettre une écoute attentive de tous.


Matériel nécessaire : 
Un texte sélectionné, des plaids, des poufs, des crayons et du matériel créatif, des feuilles, des fiches préimprimées.


Espace :
Aménager un espace cocooning pour créer une ambiance et mettre les élèves en condition. Différencier les espaces de lecture et de créativité permet de différencier les deux temps de la séance et couper avec ce que les enfants ont vécu juste avant. 


3 étapes incontournables :

  • Lecture partagée à voix haute d’un livre ou d’un extrait de texte selon une thématique choisie au préalable
  • discussion autour du thème abordé dans le texte et des émotions ressenties par les personnages et les enfants au cours de la lecture
  • activité créative

Exemple d’une séance intitulée «Le bonheur», proposée par Aurélie Louvel dans son ouvrage. La séance se déroule à partir de la lecture de «Cinq, six bonheurs, Jean-Marc Mathis, Thierry Magnier, 2015». 

Après la lecture partagée à haute voix du texte pendant une vingtaine de minutes, la discussion lancée porte sur ce qu’est le bonheur ? Peut-on donner une définition précise à ce mot ? Évoquer les émotions ressenties pendant la lecture du texte... 

Les élèves sont ensuite incités à s’imaginer entrer dans la peau d’un magicien pour concocter une potion magique : « ma potion magique du bonheur ». L’activité créative consiste à remplir (écrire ou dessiner) un bocal en verre avec tous les ingrédients qui composent leur potion.
Cette séance a également été proposée à des élèves de 5e au collège Jean Monnet. Les élèves ont été incités à se concentrer sur ce qui les rendait heureux et concrétiser ce qui fait focus pour dessiner leur propre vision du bonheur dans une loupe. 

 

L’engagement des professeurs-documentalistes au service du bien-être scolaire

Ces dernières années, le développement de pratiques visant le bien-être des élèves fait l’objet d’une préoccupation sans précédent autour de la recherche des conditions favorisant tout autant la réussite scolaire que l’épanouissement personnel et le plaisir d’aller à l’école.

De nombreux travaux en académie témoignent de l’intérêt des professeur-documentalistes pour la thématique du bien-être individuel et collectif et des multiples bienfaits de la lecture sur la construction des enfants et des adolescents. De nombreuses ressources peuvent nourrir ce questionnement et ces pratiques en plein essor.

On peut citer par exemple les travaux académiques mutualisés des académies de Guyane, Nancy-Metz et Nice sur la thématique « Repenser l’espace existant du CDI pour répondre aux besoins des usagers » avec le projet Lire Délivre. Armelle Cendo, sur le site Docazur de l’académie de Nice, montre comment la lecture à voix haute d’une littérature jeunesse choisie peut aider les élèves à mieux se connaître, surmonter leurs difficultés et s’épanouir dans leur environnement scolaire.

Dans les établissements scolaires, la lecture partagée intéresse les professeur-documentalistes depuis quelques années qui proposent des activités comme les siestes contées ou les activités de bibliocréativité et repensent l’aménagement du CDI pour répondre à ces nouveaux besoins. Des professeur-documentalistes en collaboration avec des enseignants, des infirmières scolaires ou des conseillers principaux d’éducation se mobilisent pour développer les compétences langagières ou encourager ce goût pour la lecture dans le but de permettre aux élèves de s’épanouir et se questionner sur les thématiques propres à l’adolescence.

Dans la thèse de doctorat qu’elle prépare, portant sur la littérature pour la jeunesse et l’éducation pour la santé, Sylvie Douet infirmière scolaire à Angers, formatrice et médiatrice indépendante en littérature jeunesse, se questionne sur l’existence des interactions entre albums de fiction et éducation à la santé.A partir de l’étude de deux albums jeunesse, elle « montre que la lecture d’histoires mobilise les capacités relationnelles des enfants et développe leurs habilités cognitives, émotionnelles et sociales ».

Construire une séquence autour des livres de fiction, extraits de romans, albums, ouvrages documentaires... nécessite la constitution d’une boîte à outils sur le thème des émotions. On peut notamment s’appuyer sur le catalogue de ressources proposé par une enseignante de maternelle « Dessine-moi une histoire », ou les bibliographies proposées par l’académie de Versailles sur le Portail Ressources 74, ou encore une liste d’albums de cycle 3 en prévention du harcèlement proposé par l’atelier Canopé de Suresnes. 
 

Au collège Jean Monnet, la mise en place d’un atelier de bibliothérapie jeunesse est proposé à partir de la rentrée scolaire 2025-2026 dans le but de prioriser des animations auprès d’élèves faibles lecteurs de 6e et de 5e . L’objectif principal de cet atelier est de réduire les inégalités sociales, de valoriser la lecture, faire de la lecture un plaisir et développer les compétences psychosociales des élèves. 
 


Références bibliographiques


Lien complémentaire à consulter :

 

Un partage de Christine Vertès, professeur-documentaliste et formatrice en Compétences Psycho-sociales pour l’EAFC Académie de Toulouse, formée à la Bibliothérapie jeunesse par Aurélie Louvel